L’actualité
européenne
Paris,
8 décembre
Ci-dessous
un résumé de l’actualité européenne destiné aux membres d’ARRI (Association
Réalités et Relations Internationales). Il y manque le succès remarquable de la
sonde Rosetta et la décision de financer un nouveau programme de lanceurs spatiaux.
Deux éclaircies dans le ciel européen.
A
la stagnation persistante de l’économie s’ajoute l’intensification des
affrontements et parfois des violences extrêmes dans le voisinage de l’Europe. L’un
et l’autre phénomène contribuent à assombrir cette fin d’année.
La crise perdure
L’entrée
en fonction de la nouvelle Commission a fâcheusement coïncidé avec la
révélation des facilités fiscales consenties à nombre de grandes firmes par le
Grand-Duché alors que Jean-Claude Juncker y exerçait les fonctions de premier
ministre et de ministre des finances. A vrai dire la pratique des rulings n’était pas inconnue et était
pratiquée ailleurs. C’est l’ampleur de l’usage qui en a été fait au Luxembourg
qui pose problème. Le contre-emploi dans les attributions des commissaires que j’avais relevé dans ma
précédente chronique s’étend ainsi au président lui-même. Il n’est pas interdit
d’espérer que la lutte contre l’évasion fiscale n’en sera pas entravée, bien au
contraire.
Le
démarrage de l’union bancaire, c’est-à-dire la mise sous la tutelle de la BCE
(banque centrale européenne) de l’ensemble des banques importantes de la zone
euro est un pas significatif en direction d’une fédération économique et
financière. Toutefois, l’étape ultime, celle d’une solidarité en dernier
ressort en cas de défaillance d’un établissement, n’interviendra que dans
plusieurs années.
La
publication par la Commission sortante de rectifications dans le calcul des
contributions nationales au budget commun a permis à M. Cameron de se poser en
défenseur des intérêts britanniques contre les technocrates de Bruxelles, rôle
qu’il affectionne, sans qu’il puisse espérer surpasser, en ce domaine,
l’europhobe Farage et son UKIP. L’incident sera réglé par un étalement des
versements. En s’étant engagé, s’il
gagne les élections de l’an prochain, à soumettre à referendum le maintien du
Royaume-Uni dans l’UE, le Premier ministre a pris un risque considérable. Ses
demandes d’amendements aux traités
semblent devoir se concentrer sur la limitation des aides sociales et médicales
aux travailleurs migrants.
La
persistance de la stagnation dans la zone euro n’en demeure pas moins une
source de préoccupation pour les dirigeants et de mécontentement pour les
peuples. Il n’est pas sûr que les 300 milliards d’investissements annoncés par
le président Juncker suffiront à provoquer le démarrage espéré. Un habile
montage organisé avec l’appui de la Banque européenne d’investissements devrait
permettre de mobiliser des fonds privés. Ce plan bénéficie de l’appui de la
chancelière ainsi que celui du nouveau président du Conseil européen l’ancien
premier ministre polonais Donald Tusk entré en fonctions le 1er
décembre. La baisse de l’euro, heureusement accompagnée de celle des cours du
pétrole, devrait avoir un effet favorable.
Le
nouveau sursis accordé à la France concernant la réduction du déficit de ses
finances publiques semble
conditionné par un engagement de réformes que le ministre Macron a grand peine à faire accepter par une
majorité rétive.
La
négociation en vue d’un accord de libre-échange transatlantique se poursuit sur
fond de contestation passionnée de la part d’opposants redoutant un
affaiblissement des protections accordées par l’Europe à l’environnement et aux
consommateurs. On peut en revanche attendre de cet accord, outre un supplément
de croissance, une extension de nos normes au niveau mondial. La difficulté
principale à laquelle font face les négociateurs réside dans le règlement des différends :
arbitrage privé selon les USA, tribunaux publics selon l’UE.
Intensification des affrontements
L’appui,
à peine camouflé, apporté par la Russie aux insurgés ukrainiens maintient un
climat détestable dans les relations UE – Russie qui rappelle la guerre froide.
Les responsabilités de l’Ouest - incapacité d’organiser un partenariat
stratégique avec la Russie - ne sauraient justifier la politique de Poutine
dont l’un des aspects les plus condamnables est sans doute la propagande
haineuse et mensongère développée en Russie. La renonciation des Européens à
financer et à intégrer leur défense les condamne à un rôle d’observateurs aussi
inquiets des hésitations d’Obama qu’ils l’avaient été de l’activisme brouillon
de Bush. Saluons cependant l’imposition de sanctions adoptées à l’unanimité.
L’implantation
en Syrie et en Irak d’une organisation fanatique se réclamant de l’islam
sunnite et se prétendant un Etat a suscité la formation d’une coalition où la
coexistence des chiites et des sunnites ne va pas de soi. Les Occidentaux se
limitent à fournir armes et appui aérien à des combattants kurdes et à une
armée irakienne composite. Il est dommage que l’accord avec l’Iran sur le
nucléaire, une fois de plus reporté, n’ait pas permis d’élargir la coalition
anti-terroriste.
La
situation d’anarchie qui perdure en Libye est une autre source de désordre au
voisinage de l’Europe. Elle contribue, par le trafic des armes provenant des
arsenaux de Kadhafi à répandre l’insécurité dans la zone et à multiplier le
nombre des candidats à la migration venus d’Afrique. En l’absence d’une
politique de sécurité commune, la France supporte avec un appui limité de ses
partenaires la tâche redoutable et coûteuse de rétablir et de maintenir l’ordre
dans la zone sahélienne.
Le pape François à Strasbourg
Renouvelant
le geste de Jean-Paul II le pape s’est adressé le 25 novembre à Strasbourg
successivement au Parlement européen et au Conseil de l’Europe. Tout en rendant
hommage aux idéaux des pères fondateurs, il a dressé un tableau sévère de
l’état d’un continent refermé sur lui-même, donnant une impression de fatigue
et de vieillissement. La leçon a été bien accueillie. Souhaitons que l’appel à
une Europe « féconde et vivante » soit partout entendu.