31 décembre 2007

En avez-vous entendu parler ?

Paris, 31 décembre. J’apprends aujourd’hui que les sous-traitants de l’industrie automobile française ont bénéficié d’une aide de 3,82 millions d’euros pour la reconversion de leurs salariés victimes de la délocalisation de leur activité. Il s’agit d’une première intervention du nouveau fonds d’adaptation à la mondialisation dont je n’ai cessé de signaler l’intérêt depuis que sa création a été proposée. Il est consternant que ni les pouvoirs publics, ni les médias n’aient donné à cette décision prise mi-décembre par la Commission européenne le retentissement qu’elle méritait. L’opinion devrait être informée des modalités de l’aide qui est destinée non aux entreprises mais à la reconversion et au réemploi des travailleurs affectés par les délocalisations. L’occultation des nouvelles positives venant de Bruxelles n’est pas de nature à réconcilier les Français avec l’Europe et moins encore à la faire aimer.

29 décembre 2007

Deux ans déjà !

Platier, 29 décembre. Voilà deux ans, avec une interruption de six mois, due à la rédaction et à la publication de mon livre « Aimer l’Europe » chez Lignes de Repères, que je commente l’actualité européenne pour celles et ceux qui veulent bien me lire, sans doute parce qu’ils partagent ma conviction que la marche de l’Europe vers son unité est la grande cause qui transcende toutes les autres, car de cette unité dépendent à la fois la défense de nos intérêts, celle de nos valeurs et notre capacité d’exercer une influence sur la marche du monde. Je me suis efforcé de mettre en lumière des faits occultés par les grands médias, de les interpréter en montrant à chaque occasion le prix de l’unité insuffisante des Européens, de relater des manifestations auxquelles j’ai pris part, notamment le colloque d’ARRI sur le déjà oublié, injustement oublié, rapport Herbillon ou la commémoration du centenaire de Spinelli sur l’île de son enfermement à Ventotene.
Le blogger se pose constamment la question de son audience qui ne se mesure pas au nombre de commentaires, beaucoup de lecteurs internautes n’éprouvant pas le besoin de s’exprimer ou parfois maîtrisant mal la procédure à suivre pour insérer un commentaire. C’est pourquoi, en vous offrant mes vœux et en vous invitant à partager ceux que je forme pour notre Europe, je vous propose de me faire savoir si vous lisez régulièrement ou épisodiquement ce blog. Il va de soi que toute suggestion sur son contenu ou sa diffusion sera la bienvenue. Vous pouvez me répondre soit sur le blog « http //toulemon.blogspot.com », soit par courriel
« toulemon.robert@wanadoo.fr »
A toutes et à tous bonne année !

21 décembre 2007

Un succès de l'Europe et la réponse de JP Jouyet

Platier 21 décembre L’élargissement de l’espace Schengen aux nouveaux Etats membres d’Europe centrale est l’occasion de marquer l’immense succès que représente pour l’Europe un élargissement réussi garant de démocratie et de prospérité. Contrairement à ce que continuent à prétendre beaucoup de commentateurs ignorants des réalités européennes et à ce que croient beaucoup de Français, les difficultés que rencontre l’Europe depuis plusieurs années ne sont en rien dûes à l’élargissement. Bien au contraire, celui-ci est facteur de dynamisme et de croissance. Le professeur Christian Lequesne, vieil ami de l’AFEUR, qui enseigne à Sciences Po et à la London School of Economics le rappelait récemment dans les colonnes du Monde.

Je viens de recevoir une réponse très encourageante de J P Jouyet, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes. Il approuve chaleureusement l’idée de donner, en coopération avec l’Allemagne, un éclat particulier à la prochaine célébration de la journée de l’Europe. Mais il ne se prononce pas sur ma suggestion, audacieuse il est vrai, d’associer les célébrations du 8 et du 9 mai.

19 décembre 2007

Encore les symboles

Paris 18 décembre Renseignement pris auprès de la représentation du Parlement européen qui vient de décider de mettre en valeur les symboles de l’UE, la France a bien été invitée à s’associer à la Déclaration des seize. On peut supposer que son absence sur la liste s’explique par le désir de souligner les différences entre le traité de Lisbonne et le traité constitutionnel, afin de justifier la ratification parlementaire. Une fois celle-ci acquise, il faudra reprendre le combat en ayant à l’esprit la célébration du 9 mai. Ci- dessous un extrait de la lettre que j’ai adressée sur ce thème à Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes.

Ma suggestion est de saisir l’occasion de la prochaine journée de l’Europe, le 9 mai 2008, à la veille de la présidence française, pour corriger le message fâcheux donné à l’opinion par l’élimination des symboles dans le traité de Lisbonne. Une première initiative pourrait consister à donner un éclat particulier à cette journée, notamment par une allocution télévisée du président de la République illustrant la signification de ces symboles. Inviter les enseignants à faire partager à leurs élèves les valeurs européennes, celles de la réconciliation des anciens ennemis, de la paix durable, des identités multiples, de la solidarité entre les peuples serait un autre geste de grande portée. La journée de l’Europe, le 9 mai fait suite à la célébration de la victoire sur le Nazisme le 8 mai. Ces deux dates ont été parfois opposées, notamment lors de la tentative sympathique mais maladroite du président Giscard d’Estaing de substituer l’une à l’autre. Les réunir au contraire en une seule célébration ou même, dans un premier temps, établir un lien entre l’une et l’autre aurait une signification très forte. En effet l’appel de Schuman n’aurait pu être prononcé si le Nazisme n’avait pas été préalablement vaincu. Inviter l’Allemagne à célébrer avec nous à la fois sa propre libération et le premier geste de réconciliation européenne serait un éclatant moyen de faire comprendre à l’opinion et notamment aux jeunes générations la profonde signification éthique de la construction européenne.

14 décembre 2007

Le prix du livre européen réhabilite l'expression "Etas-Unis d'Europe"

Paris 14 décembre Bien que mon livre « Aimer l’Europe » ait été inscrit sur la liste des ouvrages sélectionnés en vue du choix du jury, je me réjouis de l’attribution du prix du meilleur livre européen au Premier ministre belge Guy Verofstadt intitulé « Les Etats-Unis d’Europe ». Il est de bon ton, depuis des années, dans les milieux européens, de récuser cette expression chère à Jean Monnet, pour ne pas effrayer les eurosceptiques, pour se démarquer du modèle américain ou encore pour indiquer que l’Europe n’a pas vocation à se doter d’un Etat. Autant de mauvaises raisons qui aboutissent à céder du terrain aux adversaires sans raison et sans profit. Oui, notre objectif est bien d’aboutir à un Etat européen, non un super-Etat mais un Etat minimal, fondé sur le principe fédéral de subsidiarité, non un clone du modèle mononational états-unien mais une Union plurinationale ayant pour devise « Unis dans la diversité ». Qu’un Premier ministre en exercice, le fut-il d’un Etat en crise, ose l’expression « Etats-Unis d’Europe », qu’un jury international couronne son ouvrage devrait contribuer à réhabiliter ce mot d’ordre et à rendre courage aux militants de l’Europe. N’ayez pas peur, comme disait le défunt pape !

Erratum. Une erreur s’est glissée dans mon étude « Que penser du traité simplifié ? » La durée du mandat du futur président du Conseil européen n’est pas, comme indiqué à tort, d’un an et demi mais bien de deux ans et demi renouvelable.

10 décembre 2007

16 Etats affirment leur attachement aux symboles de l'Union

Paris 10 décembre Réagissant à la suppression des symboles de l'UE dans le corps même du traité de Lisbonne par la CIG , un groupe de seize Etats membres, dont huit nouveaux adhérents, a adopté une déclaration -qui sera annexée au Traité- confirmant la valeur et la signification qu'ils continuent d'attacher à ces symboles. .

Extraits du texte de cette déclaration :
« (Les 16 Etats membres) déclarent que le drapeau européen (...), l'hymne tiré de l'"Ode à la joie "(...), la devise "Unis dans la diversité", l' euro en tant que monnaie de l'UE et la journée de l'Europe, le 9 mai, continueront d'être, pour eux, les symboles de l'appartenance commune des citoyens à l'Union européenne et de leur lien avec celle-ci . »

Les 16 Etats membres signataires sont :
BELGIQUE / BULGARIE / ALLEMAGNE / GRECE / ESPAGNE / ITALIE / CHYPRE / LITHUANIE / LUXEMBOURG / HONGRIE / MALTE / AUTRICHE / PORTUGAL / ROUMANIE / SLOVENIE / SLOVAQUIE .

On aimerait savoir si la France a refusé de se joindre à cette démarche.

09 décembre 2007

Que penser du traité "simplifié"?

Paris 9 décembre Cette analyse fera l’objet d’un tiré à part d’ARRI (Association Relations et Réalités Internationales).

Un traité qui n’est en rien simplifié mais qui sort l’Europe de l’impasse.

La première observation qui vient à l’esprit à la lecture du nouveau traité est qu’il n’est en rien simplifié. A l’effort de clarification qu’avait tenté la Convention en réunissant tous les traités antérieurs dans un corpus unique est substitué un ensemble de plusieurs textes : un traité sur l’Union européenne relatif aux institutions, un traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatif aux politiques, auquel s’ajoute la Charte des droits fondamentaux proclamée à Nice. Il s’agit d’amendements qui ne peuvent se comprendre qu’en se référant aux textes antérieurs. Aussi bien la formule traité modificatif ou réformateur correspond-elle mieux à la réalité.

Politiquement le jugement doit être nuancé. L’accord décisif est intervenu en juin à Berlin. Angela Merkel très habile et engagée, s’était alors bien accordée avec un Nicolas Sarkozy également très engagé et décidé à contribuer à la sortie de la crise ouverte par le rejet du 29 mai 05. La présidence portugaise a fait un excellent travail de mise en forme et obtenu, en octobre, un accord complet au prix d’un ultime marchandage avec les Polonais. Ce nouveau traité sera signé le 13 décembre à Lisbonne dont il portera le nom, ce qui devrait mettre fin à l’usage trompeur de l’adjectif simplifié, marque un incontestable recul par rapport au traité constitutionnel. Il n’en constitue pas moins un événement heureux qui évite une crise qui eût été, en cas de nouvel échec, d’une extrême gravité, met fin à un débat institutionnel lassant et permet de passer à autre chose.


L’essentiel des réformes est sauvegardé mais l’union politique n’est pas pour demain.

L’essentiel des réformes institutionnelles contenues dans le traité constitutionnel ont été reprises dans le nouveau traité, mais au prix de dispositions de nature à enlever à l’Union tout ce qui pourrait lui donner les allures d’un Etat. Ce faisant, on a gravement compromis les chances de l’Union de s’affirmer comme une entité politique ayant une identité distincte de celle de ses Etats membres. Ainsi le vote négatif des Français a conduit à un résultat que peu d’entre eux souhaitaient : une Union où l’économie l’emporte sur le volontarisme politique et la coopération interétatique sur la démocratie transnationale. Les reculs portent sur l’abandon du terme « constitution », la renonciation à faire mention des symboles de l’Union (drapeau, hymne, devise) qui n’en subsistent pas moins, l’abandon de l’affirmation suivant laquelle l’euro est la monnaie de l’Union, une disposition nouvelle protégeant les compétences des Etats en politique étrangère, une autre permettant au Conseil de demander l’abrogation d’une loi de l’Union. Au demeurant, ces lois continueront à être désignées sous les appellations peu compréhensibles de directive et de règlement au lieu de loi et loi-cadre qui figuraient dans le traité constitutionnel. La Charte des droits fondamentaux qui constituait le chapitre II du traité constitutionnel ne figure pas dans le nouveau traité mais celui-ci s’y réfère et lui reconnaît pleine valeur juridique. Le Royaume-Uni et la Pologne ont cependant obtenu de n’être pas liées par les obligations résultant de la Charte. M Tusk, récent vainqueur des élections polonaises a fait savoir que la Pologne renoncerait à cette dérogation, indication depuis lors démentie, sans doute sous l’influence du président Kaszinski.

La libre concurrence demeure malgré une concession aux Français

Les quelques innovations contenues dans la partie III du traité constitutionnel relative aux politiques ont été sauvegardées mais reléguées dans un deuxième traité sur le fonctionnement de l’Union où l’on retrouve la clause horizontale obtenue in extremis par Jacques Chirac disposant que toutes les politiques devraient prendre en compte les exigences sociales et environnementales. Mais l’essentiel de la partie III qui consistait dans la reprise de dispositions des traités précédents a disparu. Ainsi les orientations libérales ne seront pas gravées dans le marbre constitutionnel, satisfaction purement formelle pour les nonistes, dès lors que les dispositions des traités antérieurs demeurent et que leur valeur juridique n’est pas inférieure à celle que leur aurait conféré le traité constitutionnel. Un renforcement de la protection des services publics a été obtenu par les Néerlandais appuyés par les Français. De même Nicolas Sarkozy a obtenu que la concurrence, tout en demeurant une politique de l’Union, ne figure plus parmi ses objectifs. Modification de pure forme ou promesse d’un infléchissement de la jurisprudence de la Cour de Justice en faveur des objectifs sociaux et environnementaux ? La condamnation récente des abus de position dominante imputables à Microsoft n’en vient pas moins de montrer l’utilité de la politique de concurrence comme contrepoids à la puissance des plus grandes entreprises et comme facteur d’indépendance de l’Europe.

Un protocole protège les services d’intérêt général. Leur rôle essentiel est reconnu ainsi que le principe de l’accès universel aux services d’intérêt économique pour l’organisation desquels les autorités nationales, régionales et locales se voient reconnaître une grande marge de manoeuvre. La compétence des Etats membres concernant les services non économiques est garantie.


Le contenu des réformes institutionnelles

Les réformes retenues concernent la composition des institutions de l’Union et leur mode de décision.

Le Parlement comptera 251 membres, dont 96 pour l’Allemagne, 74 pour la France, 73 pour l’Italie et le Royaume-Uni. Pour la première fois la France voit pris en compte l’avantage démographique qu’elle doit à ses départements d’outre-mer et à sa natalité. L’Italie à qui le Parlement avait attribué un siège de moins que le Royaume-Uni a obtenu in extremis à Lisbonne un siège de plus en s’appuyant sur le nombre élevé de ses citoyens hors Italie. Le Conseil européen sera désormais doté d’un président n’exerçant pas de fonctions nationales dont le mandat renouvelable une fois sera d’un an et demi. Ce président sera désigné par le Conseil européen à la majorité qualifiée (55% des Etats, 65% de la population). La Commission ne comptera qu’un nombre de membres représentant les deux tiers du nombre des Etats. La rotation des nationalités sera égalitaire, ce qui veut dire que les grands pays, tout comme les moins grands, ne disposeront pas toujours de la présence d’un de leurs nationaux dans la Commission. Le président de la Commission sera élu par le Parlement après les élections européennes sur proposition du Conseil statuant à la majorité qualifiée. Celui-ci devra tenir compte du résultat des élections. La portée démocratique de ces dispositions dépendra de la capacité des partis politiques à se mettre d’accord sur leurs candidats avant les élections. L’un des vice-présidents de la Commission aura la responsabilité de la politique étrangère et de sécurité commune, sans toutefois le titre de ministre que lui attribuait le traité constitutionnel. Il disposera d’un service diplomatique. Il présidera le Conseil des ministres des affaires étrangères qui, comme le Conseil européen, échappera à la rotation semestrielle. En revanche la rotation des présidences persistera pour toutes les autres formations du Conseil.

La législation de l’Union qui conservera les noms de directives (devant être transposées dans le droit national) et de règlements (directement applicables) sera, en règle générale, soumise à la co-décision du Conseil et du Parlement, la Commission conservant son monopole d’initiative dans les domaines communautaires. Le mode de décision du Conseil est la question qui a soulevé les plus grandes difficultés. La règle d’unanimité subsiste en matière de politique étrangère, de sécurité, de défense et, ce qui est plus discutable, pour l’ensemble des décisions relatives à la fiscalité, à la protection sociale et à la création de recettes propres ou à la partie recettes du budget. Dans les autres domaines qui relèvent de la compétence de l’Union, la règle est celle de la majorité qualifiée définie comme 55% des Etats représentant au moins quinze d’entre eux et 65% de la population de l’Union. La minorité de blocage doit compter au moins quatre Etats. Les Polonais à qui le traité de Nice avait consenti, comme à l’Espagne, un nombre de voix (le mécanisme de décision relevait alors comme depuis le traité de Rome de l’attribution d’un quantum de voix à chaque Etat) presque égal à celui des pays les plus peuplés (27 au lieu de 29) avaient, dès la Convention, opposé une résistance acharnée mais solitaire à la double majorité. Après avoir en vain avancé une répartition des voix suivant la racine carrée des populations, ils ont obtenu le report à 2014 de la date d’application non du nouveau mode de décision, comme on le dit parfois, mais du nouveau mode de calcul de la majorité qualifiée ainsi que la formalisation, dans un protocole, de la déclaration dite de Joannina. En vertu de cette déclaration imposée par les Britanniques lors d’une réunion du Conseil européen tenue dans la ville grecque de Joannina, un Etat membre opposé à une décision prise à la majorité peut obtenir que la délibération se poursuive et que la décision soit retardée pendant « un délai raisonnable ». Enfin les Britanniques ont obtenu, pour le domaine de la sécurité intérieure (justice et police) de n’être pas liés par des décisions prises à la majorité sans leur accord.


Eurogroupe, Banque centrale, subsidiarité, coopérations renforcées

Le protocole relatif au Conseil de l’eurogroupe, qui figurait dans le traité constitutionnel est repris tel quel. Il est précisé qu’il siège de manière informelle, ce qui signifie qu’il n’a aucun pouvoir de décision, celui-ci appartenant au Conseil où siègent ensemble les représentants de pays membres ou non de la zone euro.

En dépit de ses protestations, la Banque centrale, qui souhaitait un statut à part, est rangée, au même titre que la Cour des comptes, parmi les institutions de l’Union mais son indépendance est confirmée.

Les dispositions relatives au contrôle de la subsidiarité à l’initiative des Parlements nationaux sont renforcées. La République tchèque a obtenu que le Conseil ait la faculté de demander à la Commission de proposer l’abrogation d’une directive ou d’un règlement.

La possibilité pour certains pays (au minimum neuf) d’aller de l’avant dans des domaines ne relevant pas des compétences exclusives de l’Union est réaffirmée mais demeure soumise à des conditions restrictives (accord du Conseil, nombre minimum de neuf Etats). Ces conditions sont plus souples et aucun nombre minimum de participants n’est exigé pour d’éventuelles « coopérations structurées » dans le secteur de la défense.


Protection des politiques nationales

Outre les dispositions relatives à la subsidiarité, de multiples sauvegardes des compétences nationales figurent dans les déclarations annexées au traité. On relève notamment une déclaration annexe préservant « le droit des Etats membres de prendre les dispositions nécessaires afin d’assurer leur approvisionnement énergétique » et, mieux encore si l’on peut dire, une déclaration d’origine britannique préservant « les responsabilités et les compétences de chaque Etat membre en ce qui concerne l’élaboration et la conduite de sa politique étrangère, son service diplomatique national, ses relations avec les pays tiers et sa participation à des organisations internationales, y compris l’appartenance au Conseil de sécurité des Nations unies. » Ceci augure mal des progrès de la politique étrangère commune de surcroît soumise à la règle paralysante d’unanimité. Tout acte législatif est exclu dans ce domaine et la compétence de la Cour de justice très limitée. Certains voient dans ces dispositions une sorte de revanche des diplomaties nationales.



Jugement d’ensemble

Les principales faiblesses du nouveau traité sont tout simplement celles qui pouvaient être relevées dans le traité constitutionnel. L’unanimité paralysante demeure en matière fiscale, pour la création de recettes propres de l’Union, pour la politique étrangère, pour la révision des traités. La composition de la Commission est loin de garantir son autorité. Ces faiblesses ont été aggravées par le souci des gouvernements d’aller au devant des craintes supposées de l’opinion et par l’exploitation habile qu’a su faire de l’échec des referenda en France et aux Pays-Bas une diplomatie britannique secondée par les jumeaux polonais. Tout ce qui pouvait paraître ouvrir la perspective de constitution d’une entité politique nouvelle a été soigneusement éliminé. Quelle chance a l’Union, dans ces conditions, de conduire une politique étrangère qui lui soit propre ? Beaucoup dépendra de la relation qui s’établira entre le nouveau président du Conseil européen à temps plein et celui de la Commission. Le risque d’une rivalité paralysante est évident. Malgré ses faiblesses, ce traité n’en représente pas moins un progrès considérable par rapport à celui de Nice. Il convient donc de faire ce qui dépend de nous pour qu’il soit ratifié.

La question reste posée de la finalité de l’Union. Il est plus que jamais clair que l’Europe ne pourra s’affirmer sur la scène du monde, y défendre ses intérêts, contribuer à un ordre plus sûr et plus humain si elle ne s’organise pas en une entité politique dotée d’un gouvernement, non certes un Etat fédéral mais une Union fédérale d’Etats et de citoyens au sein de laquelle l’intégration économique et la coopération politique se rejoindront. Deux innovations du traité reprises du traité constitutionnel, le président du Conseil européen déchargé de fonctions nationales et le haut représentant pour la politique étrangère intégré à la Commission comme vice-président pourraient conduire, le moment venu, à la formation d’un gouvernement européen. Il suffirait de fusionner les deux présidences et de réunir autour d’un président unique un cabinet politique composé de plusieurs vice-présidents de la Commission travaillant en liaison étroite avec les ministres nationaux comme devra le faire le haut représentant pour la politique étrangère. Mais cela supposerait une volonté politique qui aujourd’hui fait défaut. Les prochaines élections européennes seront un défi pour les partis politiques qui se veulent favorables à la construction européenne. Seront-ils capables de présenter en temps utile leurs candidats à la présidence de la Commission, sachant que le choix du président par les gouvernements devra tenir compte du résultat des élections ? L’Europe ne progressera pas sur le terrain politique si elle ne réussit pas à établir un lien de confiance avec ses citoyens.

Tous les Etats ne seront pas disposés à s’engager dans cette voix ou n’y seront pas prêts en même temps. Aussi convient-il de mettre à profit les formules de différenciation que prévoit le traité en veillant à ménager l’avenir. N’oublions jamais que si une avant-garde réussit, les autres la rejoindront comme l’a déjà montré la brève histoire de la construction européenne.

04 décembre 2007

L'Europe face à Poutine

Paris, 3 décembre. Le feuilleton des incohérences européennes se poursuit. Merkel dénonce le mépris de Poutine pour la démocratie. Sarkozy le félicite. Qu’adviendra-t-il quand l’Europe aura un porte-parole et un président du Conseil européen ? Ajouteront-ils à la cacophonie ou joueront-ils les muets du sérail ?
Une bonne nouvelle pour nous consoler : le projet Galileo est sauvé par un vote à la majorité auquel l’Espagne, un moment seule, s’est rallié et grâce aux efforts opiniâtres et intelligents du commissaire Jacques Barrot. Bravo M. Barrot !

01 décembre 2007

L'Europe face à la Chine

Paris, 1er décembre. A peine avais-je envoyé mon dernier message regrettant que l’Europe ne s’exprime pas d’une seule voix face à la Chine qui nous inonde de ses produits sans véritable réciprocité, que j’apprenais la présence à Pékin, quasi simultanément avec celle de notre Président de JC Juncker, président de l’eurogroupe, de JC Trichet et des deux commissaires, Almunia et Mandelson. On peut espérer que sur le chapitre du déséquilibre commercial et de la sous-évaluation du yuan le langage tenu aux Chinois a été convergent. Mais comment ne pas s’étonner de l’absence apparente de tout lien entre la visite à Pékin du chef d’Etat français et des émissaires européens ? Ajoutons que le front commun européen est fissuré sur les violations massives des droits humains en Chine et sur l’embargo sur les armes. Angela Merkel a reçu le Dalaï Lama et n’est pas prête à lever l’embargo décidé après Tien An Men. Il semble que la position française soit plus souple. Des divergences d’appréciation sont inévitables et légitimes. L’essentiel est que chacun se plie à la position majoritaire de l’Union car chacun, y compris les minoritaires, ont intérêt à ce que la position de l’Union se renforce, ce qui suppose l’unité.

27 novembre 2007

Voix de la France ou voix de l'Europe?

Paris, 27 novembre. Le voyage en Chine du président de la République, faisant suite ou précédant celui d’autres leaders européens, illustre une fois de plus la faiblesse de la voix de l’Europe dans le monde. Qu’il s’agisse du cours de la monnaie chinoise, du changement climatique ou des droits de l’homme, combien serait plus crédible la voix d’un président qui serait en mesure de s’exprimer au nom de l’UE. Menacer la Chine de l’application de droits compensateurs à des produits dont la fabrication serait particulièrement polluante n’a aucun sens en l’absence d’une position commune de l’Union. Il es est de même du cours du yuan ou du sort des prisonniers politiques.
On ne peut que se réjouir des contrats annoncés à l’occasion du voyage présidentiel, même si ces contrats sont l’aboutissement de longues négociations. Mais on éprouve un malaise à constater que les pays membres de la même Union se présentent en Chine comme partout dans le monde davantage comme des concurrents que comme des partenaires.
Peut-on espérer un changement après l’entrée en vigueur du nouveau traité ? Cela supposerait une parfaite entente entre les deux présidents (Conseil européen et Commission) et le haut-représentant pour la PESC, mais surtout un profond changement d’état d’esprit que, pour le moment, rien ne laisse prévoir.

22 novembre 2007

Un mode de gouvernance rigide. A qui la faute?

Paris 22 novembre Deux exemples de la rigidité qui marque les politiques de l’UE : l’Irlande devenue le pays le plus riche de L’Union après le Luxembourg a continué pendant des années à émarger aux fonds dits de cohésion, le montant des subsides versés aux agriculteurs n’a pas été, à ma connaissance, réduit pour tenir compte de la hausse considérable des prix constatée depuis plusieurs mois. Cette rigidité conduit à des situations inéquitables et parfois choquantes qui nuisent gravement à l’image de L’Union. Elle est la conséquence du mode encore beaucoup trop intergouvernemental de la définition des politiques même les plus intégrées et communautaires, comme la PAC. Dès que l’argent est en cause, l’unanimité est de règle. Les gouvernements ont la plus grande difficulté à s’accorder. Ils ont tendance à donner un caractère à la fois pluriannuel et rigide à leurs accords et ne sont pas prêts à donner à la Commission la possibilité d’adapter les politiques aux évolutions de la conjoncture. Autant il est anormal de maintenir le niveau des soutiens à une agriculture favorisée par l’envolée des prix, autant il serait imprudent et injustifié de les réduire de manière définitive et irréversible.
Autre exemple de rigidité : la Commission propose de plafonner les aides consenties aux plus grandes exploitations. Le Royaume-Uni et l’Allemagne s’y opposent car ils ont beaucoup de très grandes fermes (l’aristocratie anglaise et les anciennes coopératives de la RDA). Il semble que la France s’y oppose aussi sans trop le dire et en continuant à refuser, contrairement à la pratique anglaise, à la publication de la liste des bénéficiaires.

15 novembre 2007

La dissolution du groupe d'extrême droite au Parlement européen

Paris, 15 novembre Injuriés par la petite fille de Mussolini, les députés roumains ont provoqué en le quittant la dissolution du groupe que les nationalistes extrémistes de divers pays avaient réussi à constituer au Parlement européen. Cette affaire illustre l’incapacité radicale des nationalistes à s’entendre même pour critiquer cette Europe dont ils exècrent les valeurs. Saluons en revanche l’initiative du Parlement turc qui a invité simultanément à sa tribune le président israélien Pérès et le président palestinien Abbas. Le Parlement européen s’honorerait en valorisant notre extraordinaire acquis dans le domaine de la réconciliation des peuples en invitant des représentants de peuples dont les antagonismes renaissants menacent un peu partout la paix du monde. Au demeurant commençons à donner l’exemple en éradiquant les ferments de haine qui subsistent au sein même de l’Union. Le succès durable de l’élargissement en dépend.

09 novembre 2007

Le oui des socialistes

Platier, 8 novembre Le oui d’une nette majorité du Bureau national du parti socialiste (36 contre 20 et 2 abstentions) au nouveau traité que je préfère appeler de Lisbonne plutôt que modificatif (et surtout pas simplifié) a fait l’objet de l’ironie de la plupart des commentateurs. Je me distinguerai de cette unanimité critique en reconnaissant que face à une extrême gauche déchaînée et aux palinodies de Fabius appelant à un referendum tout en préconisant l’abstention, il fallait un certain courage à la majorité pour se prononcer en faveur du traité soumis au Parlement par Nicolas Sarkozy. Espérons que l’aggravation de la crise belge ne fera pas obstacle à la signature prévue le 13 décembre prochain à Lisbonne !

06 novembre 2007

Un Grenelle hexagonal

Paris, 6 novembre Le principal succès du Grenelle de l’environnement est d’avoir permis un dialogue apaisé entre producteurs et écologistes. On peut aussi se féliciter d’une prise de conscience de la menace planétaire sur le climat, de la nécessité d’une croissance plus économe en énergie et d’un certain recul de l’idéologie anti- nucléaire. En revanche, on est stupéfait qu’ait pu être envisagée l’instauration d’une écotaxe dans le seul cadre national. C’est bien par la fiscalité que l’on peut agir le plus efficacement contre les émissions de CO 2 et contre les autres formes les plus dangereuses de pollution. Mais il est évident que le pays qui avancerait seul sur cette voie se condamnerait à subir une concurrence parfaitement faussée. L’Union européenne, elle-même, pourrait difficilement instituer seule une écotaxe significative. Elle devrait proposer la généralisation de l’écotaxe au niveau planétaire à défaut de quoi elle serait fondée à protéger ses producteurs contre ce qui apparaîtrait comme une nouvelle forme de dumping, le dumping environnemental. Quand comprendrons - nous que les réponses aux défis du monde moderne ne peuvent être recherchées au seul niveau national ?

30 octobre 2007

Le culot de Fabius

Paris, 30 octobre Que Laurent Fabius réclame un nouveau referendum, rien de plus légitime mais que, ce faisant, il refuse de dire s’il approuverait ou refuserait le nouveau traité dépasse les bornes. Malheureusement, les journalistes qui l’interrogeaient ce matin sur France – Inter lui ont laissé dire qu’il refuserait de participer au vote de ratification au Parlement sans lui demander ce qu’il ferait si sa demande de referendum était par miracle exaucée. Peut-on demander un referendum et annoncer en même temps que l’on refusera de répondre à la question posée ?

25 octobre 2007

Un discours de Jean-Claude Juncker

Paris,25 octobre 07 La réunion à Rome des instances du CIFE ( Centre international de formation européenne ) a été marquée par une intervention remarquable de son président Jean-Claude Juncker. Le premier ministre du Luxembourg regrette que l’on ait cessé d’être fier de l’Europe, juge naïve la certitude de la paix assurée pour toujours, regrette que le grand marché ne s’accompagne pas d’une dimension sociale. L’euro est un grand succès. Les critiques adressées à la Banque centrale sont injustes. Son action a été exemplaire pendant la crise de cet été. Il faut réduire les déficits et la dette quant la conjoncture est favorable. Les petits pays l’ont fait, mais non la France et l’Italie : deux poids, deux mesures. Le CIFE doit expliquer un traité inexplicable et nullement simplifié. Nous demeurons avec dix-sept traités. L’essentiel est sauvegardé mais les opting out font ressembler l’Union à un fromage suisse. La suppression des symboles est anti-pédagogique car l’Europe ne relève pas seulement de l’esprit mais du cœur. Le principal regret de Juncker est le report dans une foot note du principe fondamental de la primauté du droit communautaire. L’élargissement est un autre grand succès mais il a été mal expliqué. Il fallait réconcilier l’histoire et la géographie. Le nouveau traité marque un progrès par rapport à celui de Nice. Il faut aimer tout progrès même modeste. Dans son pays où les gens reçoivent des chaînes de télévision d’origines diverses, les auditeurs sont perplexes en entendant dire par les uns que le nouveau traité reprend l’essentiel de la constitution et par les autres qu’il en est complètement différent. La tâche d’explication n’en est pas facilitée. Les pays qui ont approuvé le traité constitutionnel par referendum ne revoteront pas car l’essentiel n’a pas changé. Ceux qui l’ont rejeté ne revoteront pas car le nouveau texte est différent…

20 octobre 2007

Ouf !

Paris, 20 octobre. L’accord de Lisbonne laisse espérer la fin de la crise constitutionnelle. Le ouf de soulagement ne doit pas dissimuler l’ampleur des problèmes posés par une attitude britannique de plus en plus cynique qui consiste à prendre en Europe ce qui convient au Royaume-Uni et à s’opposer à tout ce qui pourrait entamer si peu que ce soit la liberté d’action du royaume. Le succès est dû à l’entente réalisée en juin entre Merkel et Sarkozy, hélas moins évidente aujourd’hui. Malgré l’abandon significatif des symboles et divers reculs, notamment sur la politique étrangère, le soutien à la ratification s’impose. Ce traité n’est en rien simplifié, il est moins démocratique que n’était le traité constitutionnel, les diplomates ont profité de l’occasion pour rogner les ailes de la politique étrangère commune. Mais son entrée en vigueur est une condition indispensable de sortie de crise. Rarement la formule du moindre mal, synonyme de sagesse en politique, ne s’est aussi clairement imposée.

18 octobre 2007

L'Europe de Georges Sarre : une non - personne

Paris, 18 octobre. Dans la page Débats du Monde daté du 18 octobre, Georges Sarre qui fut l’un des plus acharnés contempteurs du projet de constitution européenne et l’un des représentants du « non de gauche » fait un aveu de taille. A l’appui de son opposition au nouveau traité, il regrette que l’Union se voie reconnaître la personnalité juridique et que soit confirmée la primauté du droit européen. Or refuser à l’Union la personnalité juridique reviendrait à lui interdire de jouer, en tant que telle, un rôle significatif sur la scène mondiale. Contester la primauté du droit de l’Union serait la priver de toute possibilité d’action intérieure, chacun des Etats membres ayant la possibilité d’ignorer ou de contredire les règles qu’elle édicterait. Remercions Georges Sarre, même si ce n’était pas son intention, de nous montrer ce que valent les prises de position du Mouvement auquel il appartient, et plus largement celles des « nonistes » de gauche en faveur d’une Europe qui aurait l’ambition de contribuer à l’édification d’un ordre plus juste à l’intérieur comme dans le reste du monde. Pour les souverainistes de gauche ou de droite, l’Europe doit demeurer une simple dénomination géographique, en quelque sorte une non – personne.

11 octobre 2007

Des navires plutôt que des camions

Paris, 11 octobre. Une proposition de la Commission européenne rapportée par le Financial Times de ce jour vise à supprimer les contrôles douaniers sur les navires assurant un trafic entre Etats membres de l’UE. Cette mesure, en réduisant les pertes de temps et d’argent résultant des contrôles, encouragerait le transport inter-européen de marchandises par la voie maritime. Or la substitution de navires aux camions que facilite la configuration du continent européen est un des meilleurs moyens de décongestionner les routes et de réduire les nuisances et pollutions considérables dues aux transports routiers. Voyons si cette proposition trouvera un écho au « Grenelle » de l’environnement et quel accueil lui sera réservé.

10 octobre 2007

Entre Guaino et Jouyet le grand écart

Platier 10 octobre L’un des traits surprenants de la nouvelle présidence est la coexistence de tendances adverses au sein du même gouvernement. Entre un Guaino poussant au laxisme budgétaire et aux attaques contre la BCE et Jouyet qu’on imagine ramant en sens contraire, qui l’emportera ? L’ampleur de nos déficits – des dépenses qui excèdent d’un quart les recettes -- réduit notre capacité d’influence en Europe et nuit à nos relations avec l’Allemagne. Mais le plus grave est sans doute ailleurs. Il confirme nos compatriotes dans l’idée fausse suivant laquelle l’Europe aggrave nos difficultés au lieu de nous aider à les résoudre. Imagine-t-on les dévaluations et les plans de rigueur que nous subirions sans la protection que nous assure l’euro et dont nous abusons sans vergogne ? Autre inconvénient : toute l’énergie que nous mettons à critiquer la politique monétaire de la BCE nous manque pour proposer la mise en place des instruments de régulation, de coordination ou d’action commune qui font défaut à l’Europe dans tant de domaines, par exemple la surveillance des frontières et des côtes, les réseaux de télécommunication, les interconnexions électriques, les marchés financiers,la création de centres d'excellece universitaires, les interventions en cas de catastrophes naturelles,les économies d'énergie et la lutte contre le changement climatique. Ces tâches exigeraient un budget commun d’une autre dimension qui est aussi nécessaire pour l’agence d’armement, l’élargissement des échanges de jeunes, l’assouplissement des critères d’intervention du fonds d’adaptation à la mondialisation, la lutte contre la pauvreté.

04 octobre 2007

Merci à l'euro ! L'aveu de Greenspan

Paris, 4 octobre. Parmi les attitudes les plus contestables de notre nouveau président, figure l’affirmation suivant laquelle l’euro aurait fait monter les prix. Or les arrondissements abusifs qui ont pu se produire dans les semaines qui ont suivi l’introduction de la nouvelle monnaie ne sont rien en regard de la protection que nous a assurée et que nous assure toujours l’euro contre les dévaluations que, sans lui, nos déficits publics gigantesques et persistants nous auraient imposées. Qui dit dévaluation dit hausse des prix de tous les produits importés. Aujourd’hui la hausse de l’euro contrarie nos exportations mais réduit notre facture pétrolière et limite la hausse des prix des carburants. Quant à la coordination des politiques des pays de l’eurozone, nous sommes mal placés pour la réclamer, alors que nous refusons d’appliquer la première des règles communes de bonne gouvernance : celle du retour progressif à l’équilibre budgétaire.
Saluons enfin les félicitations qu’Alain Greenspan, ancien patron de la Federal Reserve Bank adresse dans ses Mémoires aux créateurs de la monnaie européenne à laquelle, comme beaucoup de ses compatriotes, il ne croyait pas. Or il parle aujourd’hui d’un immense succès et d’un extraordinaire accomplissement.

01 octobre 2007

Le Parlement représente-t-il les Etats ?

Paris, 1er octobre Le Parlement européen s’apprête à proposer au Conseil une nouvelle répartition des sièges entre les 27 Etats membres. Il s’agit d’éviter que l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie ne se traduise durablement par un accroissement excessif du nombre des députés. Le principe retenu est celui de la proportionnalité dégressive qui avantage les Etats à faible population. On invoque, pour justifier ce principe, le fait que le Parlement ne représente pas seulement les citoyens mais aussi les Etats. Or ce fait est pour le moins discutable, les Etats étant représentés par le Conseil (Conseil européen et Conseil des ministres). Sans prétendre à une proportionnalité absolue qui écraserait la représentation des Etats les moins peuplés, on peut s’étonner qu’il soit envisagé de porter de cinq à six le nombre minimum de députés accordés à un seul Etat. Qu’en sera-t-il quand l’Union sera appelée à accueillir plusieurs mini-Etats issus de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie ? Il est vrai que la multiplication des mini-Etats pose déjà et posera plus encore dans l’avenir bien d’autres problèmes auquel il serait bon de réfléchir en temps utile.

29 septembre 2007

Neelie Kroes ou l'indépendance européenne

Paris 29 septembre L’Europe s’affirme dans le Monde quand ses institutions ont la capacité de prendre des décisions qui s’imposent à ses Etats membres et ne dépendent pas de la recherche de compromis unanimistes tardifs et boiteux. L’actualité vient de nous en donner un éclatant exemple avec l’arrêt du Tribunal de première instance qui met en cause le monopole de Microsoft. Sylvie Goulard a brillamment illustré dans le Monde du 28 septembre cette démonstration de « l’Europe par la preuve ». Elle aurait pu signaler la très vive réaction de la Commissaire à la Concurrence, Neelie Kroes contre les propos tenus par Thomas Barnett, chef de la Division anti-trust du Département US de la Justice qui s’était permis de critiquer la décision rendue par la Justice européenne. Il est vrai qu’à ma connaissance la presse française n’a pas fait grand écho à la déclaration de Neelie Kroes ainsi rapportée dans le Financial Times du 20 septembre : « It is totally unacceptable that a representative of the US administration criticised an independant court of law outside its jurisdiction. The European Commission does not pass judgment on rulings by US courts, and we expect the same degree of respect. » Cette belle affirmation d’indépendance européenne venant d’une Commissaire néerlandaise mériterait pourtant d’être connue de l’opinion française.

26 septembre 2007

Voix de la France ou voix de l'Europe?

Paris, 26 septembre. Hier le président Sarkozy, à la tribune des Nations unies, a plaidé avec éloquence pour un monde plus juste. La portée de cet appel, émanant d’un pays qui ne se signale pas par un effort exceptionnel en faveur des pays pauvres, notamment pour ce qui est de l’ouverture de notre marché à leurs produits, n’aura qu’un retentissement limité. Il en serait tout autrement si ce message était porté par un Président de l’Union européenne qui soit en mesure d’annoncer des mesures concrètes et d’inviter les autres pays riches, à commencer par les Etas-Unis, à en faire autant. Le futur président du Conseil européen déchargé de fonctions nationales pourra-t-il remplir ce rôle de porte-parole de l’Europe face au reste du monde ? On est surpris que cette question ne soit pas posée alors que se déroule la négociation de mise au point du nouveau traité. Combien de temps la voix de l’Europe demeurera-t-elle absente à l’Assemblée générale des Nations unies ?

23 septembre 2007

La France et Trichet

Paris 23 septembre Tant que nous n'avons fait aucun effort réel pour mettre de l'ordre dans nos finances, nous sommes inaudibles en Europe. Avoir un Français éminent à la tête de la BCE ne nous dispense pas de respecter nos engagements bien au contraire.
La date de la commémoration de Spinelli à la Comission était le 19 septembre (oubli de cette date dans mon précédent message)

Spinelli, une pensée plus actuelle que jamais

Paris, 23 septembre Les faux européens de toujours n’ont de cesse de proclamer la mort du fédéralisme. Le dernier en date est Hubert Védrine dans son rapport au président de la République sur la mondialisation. C’est oublier que dans une Europe élargie, rien n’est possible sans vote majoritaire et délégation à une autorité collective. Tous les Etats n’y sont pas prêts. Certes. Le jour viendra où le tri se fera entre ceux qui veulent l’union politique et ceux qui la refusent. Les pressions extérieures et les défis mondiaux y contribueront. Mais le combat pour faire admettre cette évidence ne doit pas cesser. Les fédéralistes ne doivent rien céder sur l’essentiel mais admettre que le fédéralisme européen devra être adapté aux spécificités européennes, donc accorder une place aux Etats dans le gouvernement de l’Union. Je viens d’adresser un message sur ce thème à Jo Leinen, président de la commission institutionnelle du Parlement européen dont je tiens le texte à la disposition des lecteurs de ce blog.
Les multiples hommages rendus à Spinelli, à Rome, à Ventotene, au Parlement, à la Commission confirment l’actualité de sa pensée si lucide et si forte. J’ai pris part à la commémoration organisée le septembre à la Commission, à l’initiative de Bino Olivi, longtemps Porte-Parole de l’institution et excellent historien de la construction européenne. Je retiens, parmi les multiples interventions, celles de l’ancien diplomate et commissaire belge Etienne Davignon, faisant observer que, dans l’Europe élargie d’aujourd’hui, le rôle de la Commission est plus nécessaire que jamais et avouant avoir été agaçé par le prophétisme de Spinelli avant de reconnaître la justesse de sa vision.
On trouvera ci-dessous un bref récit de mon voyage à Ventotene, où je me sentais sans doute abusivement, le représentant des nombreux militants qui eussent aimé faire ce pèlerinage.

Commémoration d’Altiero Spinelli à Ventotene

6 au 8 septembre 2007

Jeudi 6 septembre. Le train de nuit pris à Nice me dépose à Rome, à la gare Termini où je dois endurer une longue file d’attente pour obtenir un billet pour Formia, d’où un « aliscafo » me conduira à Ventotene. Descendu à pied vers le port où j’achète le billet de l’aliscafe et déjeune agréablement de gamberi garantis frais à la différence des scampi annoncés congelés, exemple remarquable de loyauté commerciale. Des touristes parlent français à une table voisine. Ils sont en villégiature à la station voisine de Formia vers le sud. Ils me conseillent la visite de Gaète et me prêtent leur chauffeur. Celui-ci se lamente sur le nombre excessif d’églises. On en compterait sept cents à Gaète. Aucune de celles auprès desquelles nous passons n’est ouverte. Revenu à Formia, je visite le musée archéologique sité à côté du Municipio. Le bâtiment est bordé de stèles antiques rapportant les dons faits à la cité par des notables dont les noms sont ainsi venus jusqu’à nous. Le musée contient un grand nombre d’amphores, quelques statues mutilées et un superbe buste de Tibère adolescent.
L’aliscafe a le mérite de la vitesse : une heure de traversée au lieu de deux par le ferry, mais il ne permet de voir la mer qu’au travers d’une vitre rarement nettoyée. Accueil sympathique à l’arrivée par Domenico Moro, président de l’Institut Spinelli. Le véhicule de l’hôtel prend les bagages et nous gravissons à pied les rampes qui nous conduisent d’abord à la place dominée par un imposant bâtiment municipal en forme de château crénelé, puis à l’hôtel Lo Smeraldo. Je parle au cours du dîner à Guido Montani, président du Mouvement fédéraliste européen, section italienne de l’Union européenne des fédéralistes et du Mouvement fédéraliste mondial. Il s’accorde avec moi pour penser qu’une union fédérale européenne ne serait pas le décalque des modèles fédéralistes existants. L’idée d’une présidence unique ne le choque pas ni celle d’un cabinet restreint de ministres à double casquette. Cet accord l’encourage à me faire part d’un projet de colloque sur ce thème d’un fédéralisme adapté aux spécificités européennes prévu dans un an.

Vendredi 7 septembre, je fais une première promenade dans le village. Mon espoir de trouver le cimetière où repose Spinelli est déçu mais je découvre la vue sur l’îlot voisin de Santo Stefano coiffé par une célèbre prison des Bourbons de Naples depuis longtemps désaffectée et laissée à l’abandon. Deux séminaires, l’un en anglais, l’autre en italien, sont destinés à la centaine d’étudiants venus des diverses Universités italiennes que l’Institut accueille. Les thèmes sont le fédéralisme et la situation de l’Europe aujourd’hui. A 11 h, un cortège se forme précédé de quelques officiels et de jeunes filles portant des bouquets. De grands drapeaux sont brandis dont l’étendard où se détache un E vert sur fond blanc, celui qu’on ne voit plus guère en France et que Michel Debré baptisait par dérision le caleçon vert des fédéralistes. Ce cortège se dirige vers le cimetière perché sur une colline à l’extérieur du village. Comme je l’avais observé en Corse, les tombes sont établies en élévation comme des tiroirs superposés. Chacune porte seulement le nom du défunt et ses dates de naissance et de décès, sans autre inscription et généralement sans signe religieux. Plusieurs discours se succèdent devant la tombe d’Altiero sous un soleil de plomb
Un déjeuner – buffet attend les organisateurs et les intervenants. C’est l’occasion de contacts avec le patron d’Il Mulino, l’éditeur de Spinelli, Alessandro Cavalli et avec Piero Graglia qui s’apprête à publier une biographie de Spinelli.
Long entretien avec Graglia pendant le dîner à l’hôtel. Il me révèle les origines très bourgeoises d’Altiero fils d’un banquier romain, me confirme la dureté de sa captivité dans diverses prisons avant l’aboutissement à Ventotene où étaient « confinés » les opposants jugés les plus dangreux. Le régime était moins rude mais la surveillance très étroite, sa rupture avec le parti communiste en 1936, l’isolement qui en fut la conséquence et suscita la compassion d’Ernesto Rossi, co-auteur du fameux manifeste. Il me confirme l’épisode de l’entretien Spinelli – Mitterrand de 1984 que j’avais contribué à organiser avec l’aide du conseiller diplomatique Morel. Tout cela avive mes regrets de l’absence de traduction en français de l’immense autobiographie d’Altiero. Graglia me propose aimablement de m’adresser par courriel quelques-uns des passages où mon nom apparaît. Je vais moi- même m’efforcer de trouver un éditeur pour une traduction française de la biographie de Graglia dont la sortie est imminente.
Samedi 8 septembre. Mon exposé sur Spinelli commissaire européen se situe dans la matinée après une communication d’une députée européenne. Un étudiant d’une taille imposante et fort sympathique assure une traduction phrase par phrase, ce qui m’oblige à abréger mon propos. Virgilio Dastoli, arrivé hier soir, parle après moi. Je réussis à comprendre un passage où il signale une prise de position de Spinelli, alors député italien, contre des achats de matériel militaire américain et pour la constitution d’une industrie européenne d’armement. Le public, jeune et enthousiaste, applaudit généreusement les orateurs. Je donne rendez-vous à Virgilio pour le déjeuner privé qui réunit un petit groupe au Giardino. Il déplore le manque d’engagement des fonctionnaires d’aujourd’hui pour la cause européenne. Il me promet de seconder mes efforts en vue d’une publication en français de la biographie de Spinelli à défaut de celle de ses Mémoires.
Dimanche 9 septembre, je fais ma valise, la laisse à l’hôtel et prends une embarcation pour Santo Stefano et la prison des Bourbons. Après le temps d’un dessin pendant les longues explications du guide, je découvre, avec le groupe de touristes, l’extraordinaire bâtiment circulaire puis réussis à m’échapper pour faire seul le tour de ce morceau de terre abandonné. La prison a été construite suivant le principe panoptique de Jeremy Bentham. De l’édicule central un surveillant pouvait observer les cellules situées sous des arcades réparties en un cercle presque complet. L’état d’abandon du bâtiment où subsistent cependant des portes branlantes encore munies d’une minuscule ouverture grillagée accentue l’atmosphère angoissante et romantique à la fois. Ce lieu pourrait, me dis-je, être transformé en un mémorial de toutes les souffrances des persécutés.

20 septembre 2007

Un héros européen méconnu en France : Altero Spinelli

Paris, 18 septembre. Je viens de participer dans l’île de Ventotene située dans la mer tyrrénienne au large de Gaète et de Formia à l’un des multiples hommages rendus à Altiero Spinelli, mort en 1986 à Rome où il était né en 1907. L’hommage de Ventotene a pris la forme d’un rassemblement d’étudiants venus des diverses régions d’Italie et animés par un réconfortant enthousiasme pour l’idéal fédéraliste qu’a, avec une énergie sans pareille, porté cet ancien communiste enfermé plus de dix ans par Mussolini dans diverses prisons, puis dans l’île de Ventotene, d’où, après avoir rompu dès 1937 avec le stalinisme, il devait lancer, en 1942, avec Ernesto Rossi, un manifeste pour la fédération de l’Europe qui eut un grand retentissement dans toute la résistance européenne au nazisme. J’avais fait la connaissance de cette personnalité exceptionnelle chez Stéphane Hessel avant mon détachement à la Commission européenne où les hasards de la vie devaient me placer, en 1970, sous son autorité de Commissaire aux affaires industrielles. J’avais été frappé, dès ma première rencontre, par une force de conviction qui contrastait avec les hésitations de mes amis du club Jean Moulin mais qui répondait à mes aspirations. Quand, bien plus tard, Spinelli président de la commission institutionnelle du Parlement européen, réussit à faire adopter, en février 1984, un premier projet d’union européenne, je contribuai à provoquer une rencontre Spinelli – Mitterrand. Alors que la diplomatie française et le PS avaient combattu le projet, Mitterrand à Strasbourg devait dire, à la stupéfaction de son entourage, qu’il en approuvait l’inspiration. Ce projet n’eut pas de suite immédiate mais devait ouvrir la voie à l’Acte unique de 1985. La plupart des dispositions du projet Spinelli seront reprises dans les traités successifs sauf l’une d’entre elles qui prévoyait l’entrée en vigueur dès lors qu’une majorité d’Etats réunissant les deux tiers de la population de l’Union l’auraient ratifié, une disposition qui s’imposera tôt ou tard. Je reviendrai sur Ventotene et sur les multiples hommages à la mémoire de Spinelli dans un prochain message.

31 août 2007

L'euro facteur de hausse des prix ?

Platier 31 août
Dans son discours au Medef, le président Sarkozy a ironisé sur ceux qui contestent que l’euro fasse monter les prix. Ignore-t-il que sans l’euro, l’état désastreux de nos finances nous aurait imposé de dévaluer et que toute dévaluation renchérit le prix des importations ? Ignore-t-il que l’euro limite la hausse des carburants dont les prix sont libellés en dollars ?

30 août 2007

La dimension européenne du discours de Sarkozy aux ambassadeurs

Platier 30 août

La dimension européenne du discours de Sarkozy aux ambassadeurs n’a pas été, à mon avis, convenablement mise en lumière par les commentateurs.Jugez-en : " La construction européenne est pour la France une priorité absolue. Pas de France forte sans l’Europe. Une Europe forte doit être un acteur majeur sur la scène internationale", formule qui me parait préférable à celle habituelle de l’Europe – puissance."Comment agir en Europe en ayant comme objectif de s’opposer à la Commission ou au Parlement européen". Cette dernière affirmation marque une posture nouvelle de la diplomatie française, d’autant qu’elle est complétée par un vif hommage rendu au président Barroso et par le rappel de la prochaine mise en place d’une diplomatie européenne.

La création d’un comité d’une douzaine de Sages chargés de réfléchir à ce que pourrait être l’Europe et ses missions dans 20 ou 30 ans est proposée. Une question est posée à laquelle ces sages pourraient tenter de donner une réponse qui intéresse beaucoup de Français : « De nouveaux élargissements sont-ils compatibles avec la poursuite nécessaire de l’intégration ? » Intégration mot longtemps tabou pour les gaullistes et désormais jugée nécessaire ! L’assouplissement de la position française sur les négociations avec la Turquie, l’objectif demeurant une association aussi étroite que possible mais non l’adhésion, est habilement lié à la mise en place de ce comité de sages. L’Union méditerranéenne est présentée comme une parade au choc des civilisations, à partir de réalisations concrètes suivant la méthode Monnet. La Commission doit en être un acteur de plein droit, ce qui marque le rôle de l’Union européenne dans tout partenariat méditerranéen ou africain.

Le discours présidentiel nous invite à aimer l’Europe. « Si l’on veut que les peuples de l’Europe aiment à nouveau l’Europe, il faut que l’Europe pèse sur le quotidien : immigration, énergie, environnement ». La lutte contre la criminalité internationale aurait pu être ajoutée à la liste. Si la sécurité intérieure a été oubliée, il n’en fut pas de même de la sécurité extérieure pour laquelle une stratégie commune doit être établie, comprenant une rationalisation des programmes d’armement et une répartition plus large de l’effort. Toute compétiton avec l’OTAN est exclue. Une complémentarité doit être recherchée avec l’Organisation atlantique où « nous prendrions toute notre place ». Un effort accru est nécessaire en Afghanistan pour venir à bout des talibans. Le leadership auquel prétendent les Etats-Unis est défaillant dans le domaine de l’environnement.

On note enfin une prise de position en faveur de la transformation du G 8 en G 13 et de la réforme des Nations-Unies et un éloge de l’expérience européenne de souveraineté partagée « qui correspond bien aux exigences de notre temps ».

27 août 2007

Leçon à tirer de la catastrophe en Grèce

Platier 27 août Le désastre causé par les incendies en Grèce pose une fois de plus la question de la lutte contre les grands fléaux. La coopération entre Etats disposant de moyens plus ou moins mobilisés en cas d’urgence ne peut suppléer l’absence d’un organisme commun. La logique de la coopération qui a la préférence des gouvernements n’aura jamais l’efficacité de la logique d’intégration. Faire comprendre cela à l’opinion est une tâche difficile mais essentielle. Le même problème se pose dans de nombreux domaines. Nous souffrons cruellement de l’absence ou de la faiblesse d’organismes communs intégrés pour la surveillance des frontières, la lutte contre les marées noires, contre la criminalité internationale, pour la régulation des télécommunications, pour celle des transports ferroviaires, pour la prévention des pandémies, pour les secours en cas de catastrophe naturelle, grands incendies, séismes, inondations. Le combat pour la création de services publics européens doit désormais prolonger et souvent prendre le relais de la défense des services publics nationaux.

16 août 2007

A quoi l'Europe devrait servir

Platier 16 août 07 La crise boursière et le mauvais chiffre de croissance du dernier trimestre rendent plus risqué le pari budgétaire de Sarkozy. La nécessité de donner une priorité à l’éducation, à l’innovation et à la recherche fait l’objet d’un large consensus. Mais la dimension européenne demeure peu utilisée. L’autonomie accordée aux universités françaises devrait leur permette de constituer des centres d’excellence avec des universités partenaires des autres pays de l’Union. Les grandes écoles devraient aussi y participer quitte à réformer leurs pratiques. Les programmes d’échanges d’étudiants et d’enseignants, notamment Erasmus dont le succès est reconnu, devraient être considérablement accrus. Outre les effets à moyen et long terme sur la compétitivité européenne, ces mesures présentées comme un plan d’ensemble de grande envergure donnerait de l’Europe une image de dynamisme qui lui fait aujourd’hui cruellement défaut. Elle complèterait très utilement l’adoption du traité institutionnel. La France dont les retards en matière de réforme universitaire, d’innovation et de recherche constituent sans doute le principal handicap aurait tout à gagner à une politique européenne ambitieuse dans ces domaines.

07 août 2007

Les infirmières bulgares et la PESC

Platier 7 août Je reviens une fois de plus sur les circonstances de la libération des otages de Kadhafi décidément pleines d’enseignements. Nul à ma connaissance ne s’est étonné de ce que le Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune Solana n’ait apparemment joué aucun rôle dans cette affaire éminemment politique. C’est la Commission, en la personne de Mme Ferrero-Waldner, qui, avec l’appui de la présidence allemande, a négocié les contreparties, non avouées mais bien réelles,. qui ont abouti à l’heureux dénouement. L’intervention de la Commission s’explique par le fait que c’est elle qui dispose de quelques moyens budgétaires et non Solana, ce qui démontre l’intérêt de la fusion des fonctions de Haut Représentant et de commissaire aux relations extérieures. Mais la leçon à retenir est autre. Faute d’une vraie autorité politique commune, les gouvernements sont tentés de se livrer à des démarches individuelles, gratifiantes dans l’immédiat mais désastreuses à moyen et long terme, car destructrices de la confiance mutuelle sans laquelle aucune politique commune n’est possible. C’est peu dire que le voyage de Cécilia à Tripoli n’a guère été apprécié à Berlin…

03 août 2007

L'Europe humiliée

Platier 3 août 07 La concurrence à laquelle se livrent les gouvernements européens auprès de la Libye après l’heureuse libération des infirmières bulgares et du médecin palestino-bulgare a quelque chose d’humiliant. Nous en sommes à trouver naturel que le fils du dictateur avoue l’innocence de ces malheureux retenus en otage plus de huit années reconnaissant par là même le chantage cynique exercé par la Libye. La livraison d’équipements nucléaires civils, apparemment décidée sans concertation préalable avec nos partenaires, suscite un vif mécontentement en Allemagne. Face à un monde islamique profondément divisé et travaillé par des courants fondamentalistes et fanatiquement anti-occidentaux de plus en plus puissants, les Européens ont tout à perdre à se diviser. Avant de parler d’union méditerranéenne, tentons d’élaborer ensemble une stratégie commune dont la fourniture éventuelle et conditionnelle d’équipements nucléaires ou militaires devrait être un élément parmi d’autres.

26 juillet 2007

Des infirmières bulgares à l'union méditerranéenne

Platier 26 juillet 07 On ne peut que se féliciter de la libération des otages de Kadhafi et juger mal venus les commentaires sur ce qui n’est après tout que la cessation tardive d’un crime d’Etat. Plutôt que d’ergoter sur l’intervention de Cécilia dont le rôle semble avoir été fort utile, on peut se satisfaire que l’impression de récupération des efforts européens soit relativisée par la présence de la Commissaire aux relations extérieures et les félicitations de Barroso. Cette affaire donne l’occasion de s’interroger sur le projet d’union méditerranéenne du Président de la République. Deux observateurs avisés des affaires européennes, l’italien Toscano et le portugais Vasconcelos ont récemment souligné que la situation en Méditerranée intéressait tous les Etats membres et que le rôle de l’UE était de les impliquer tous dans le progrès et la stabilisation de la région. Toute initiative fractionnelle d’une union méditerranéenne qui ne comprendrait que certains pays de l’UE serait contre-productive. Que dirions-nous si l’Allemagne proposait une union sous son égide des nouveaux Etats membres de l’Est et des pays issus de l’ex URSS ?

14 juillet 2007

Une avancée méconnue de la Défense européenne

Platier 14 juillet
L'heureuse initiative consistant à inviter des contingents de tous les pays membres de l'Union à participer au défilé du 14 juillet est une occasion de signaler la reprise dans le projet de traité réformateur des dispositions concernant la défense commune qui figuraient dans le traité constitutionnel, notamment la clause générale de solidarité. Ce point important a été généralement négligé par les commentateurs à l'exception de l'excellent éditorialiste de l'Agence Europe Ferdinando Riccardi.

Le scandale des infirmières bulgares

Platier 13 juillet
Il est difficile de comprendre la faible mobilisation de l’opinion en faveur des infirmières bulgares et du médecin palestinien condamnés à mort en Lybie pour le crime totalement invraisemblable, et auquel, hors de la Libye, nul ne croit, d’avoir volontairement inoculé le sida à plusieurs centaines d’enfants. Les victimes de ce chantage judiciaire dont l’objet est, pour le gouvernement de Tripoli, de récupérer les sommes versées aux victimes de l’attentat de Lockerbie fomenté, selon toute vraisemblance par des agents libyens, devrait donner lieu à une solidarité sans faille de l’UE dont la Bulgarie est devenue membre le 1er janvier dernier. On attend le résultat du voyage à Tripoli de Cécilia Sarkozy qui a pu rencontrer les infirmières et a eu un entretien avec Kadhafi. On s’étonne que les médias portent plus d’intérêt au rôle de l’épouse du Président qu’au sort de ces cinq innocents retenus depuis huit ans dans les geôles libyennes et plusieurs fois condamnés à mort. Nul ne semble trouver à redire à l’aveu de culpabilité que sera tout versement d’une compensation financière aux familles des enfants libyens contaminés. Verser une aide humanitaire, oui, une compensation ou une indemnisation, non !

06 juillet 2007

Attention au dérapage budgétaire !

Platier 6 juillet 07 L'euphorie du succès de Bruxelles facilité par une heureuse harmonie franco-allemande ne doit pas dissimuler le risque d'un refroidissement provoqué par le laxisme budgétaire sarkozyen. Le Financial Times se fait un plaisir d'annoncer le prochain refroidissement des relations entre Paris et Berlin sur ce thème. Le discours français sur la gouvernance de la zone euro, et plus encore sur l'Europe protectrice, ne sera crédible que quand nous aurons mis nos affaires en ordre. La création d'un haut représentant pour la politique étrangère au double rattachement au Conseil et à la Commission suggère que l'Union pourrait se doter d'un autre haut représentant pour la zone euro qui serait aussi l'interlocuteur de la Banque centrale. C'est ce que parait souhaiter celle-ci.

03 juillet 2007

Une relance sans élan

Platier 3 juillet 07

Que retenir des multiples commentaires, souvent contradictoires, relatifs à l’accord péniblement arraché à Bruxelles grâce aux efforts d’une Chancelière allemande d’exception, secondée par l’activisme de notre nouveau Président ?

On peut d’abord se réjouir que la quasi-totalité des réformes juridiques et institutionnelles contenues dans le défunt traité constitutionnel aient été préservées. Mais ce succès a été payé d’un prix élevé qui justifie la mauvaise humeur exprimée par Jean-Claude Juncker, Romano Prodi et Guy Verofstadt. Contrairement à l’obstination des frères Kaczinski qui a fini par céder au prix d’un délai de dix ans pour l’abandon des pondérations de Nice, celle de Tony Blair au fond moins fondée a eu presque entièrement gain de cause.

Rappelons d’abord les réformes acquises : l’extension du domaine des décisions qui échappent à l’exigence paralysante de l’unanimité, notamment en matière de police et de justice, l’extension corrélative des pouvoirs de codécision du Parlement, la référence à la Charte des droits fondamentaux dont le caractère juridiquement contraignant est admis par tous les Etats, à la seule exception peu glorieuse de la Grande-Bretagne, la reconnaissance de la personnalité juridique de l’Union, l’octroi de la présidence du Conseil européen à une personnalité n’exerçant pas de fonctions nationales pour un mandat renouvelable de deux ans et demie, l’attribution au haut représentant pour les Affaires étrangères et la Défense de la position (double rattachement au Conseil et à la Commission, des attributions et des moyens (service diplomatique), présidence du Conseil des Affaires étrangères par ce Haut-Représentant, la création d’une procédure d’alerte ouverte aux parlements nationaux en vue du respect du principe de subsidiarité, les coopérations renforcées rendues plus faciles.

Le prix qu’il a fallu payer pour ces résultats est double. L’abandon des symboles mais aussi l’absence de toute correction des lacunes et des faiblesses du traité constitutionnel. Tout a été dit sur l’importance des symboles et l’absurdité de leur abandon alors qu’on prétend vouloir rapprocher l’Europe des citoyens. Cet abandon a même un côté ridicule. L’étendard aux douze étoiles continuera d’être arboré, y compris désormais dans toutes les mairies de France sur la photo officielle du président de la République, l’ode à la joie d’être jouée, le 9 mai d’être fêté. Règlements et directives auront toujours valeur contraignante même si elles ne se transforment pas en lois. Cette décision lamentable n’en marque pas moins un recul inquiétant de l’esprit européen, celui qui avait longtemps soutenu les bâtisseurs de l’Europe.

Tout aussi grave, mais moins souvent soulignée, est l’absence de toute correction, de toute addition positive aux dispositions les plus contestables du traité constitutionnel. On espérait un renforcement des dispositions relatives à l’énergie, au climat, à l’immigration, au social. On pouvait espérer une composition de la Commission assurant mieux son autorité. Au lieu de cela, l’élimination de la mention de la concurrence non faussée des objectifs de l’Union, dont elle demeure un instrument essentiel, apparaît comme une concession heureusement sans portée aux tenants français du non de gauche. Dans la remarquable analyse que Valéry Giscard d’Estaing a donnée au Monde (n° daté du 15 juin), l’ancien président de la Convention aurait pu rappeler qu’il avait consenti à Tony Blair l’énorme concession du maintien du veto en matière fiscale en échange de son accord sur tout le reste. La remise en cause symbolique de l’Europe politique aurait justifié celle du veto fiscal. Cet ultime succès de la diplomatie anglaise pourrait se transformer en victoire à la Pyrrhus. Jamais l’irritation contre le négativisme britannique n’a été aussi vif, ainsi qu’en témoignent les récentes déclarations de Romano Prodi. Si le nouveau premier ministre Gordon Brown devait confirmer sa réputation d’euroscepticisme, une pression pourrait s’exercer sur la Grande- Bretagne en vue de son retrait de l’Union. A défaut, une avant-garde composée des Etats prêts à aller vers une Europe plus intégrée et plus politique mais demeurant ouverte à tous devrait être envisagée. L’attitude positive de la plupart des nouveaux membres, exception faite de la Pologne et de la Tchéquie, laisse espérer que ces pays s’inscriraient dans l’avant-garde. A une diplomatie française délivrée du poids d’un désastreux referendum de faire oublier les propos de Jacques Chirac sur les mal élevés qui avaient perdu une occasion de se taire !

20 juin 2007

Le sommet du solstice :Quitte ou double

Platier 20 juin 07 Les dirigeants de notre Europe seront-ils éclairés en ces jours les plus longs de l'année ? L'opinion française, distraite par les péripéties post-électorales, ne mesure pas l'ampleur de l'enjeu du Conseil européen qui s'ouvrira demain à Bruxelles. Si Angela échouait, on ne voit pas qui, avant longtemps, pourrait réparer les dégâts. Cette fois l'échec, si échec il devait y avoir, ne serait pas imputable à la France, apparamment prête à réparer les dégâts du referendum. Mais que d'occasions perdues et depuis longtemps par notre pays ! C'est le thème qu'a retenu Thomas Ferenczi dans son commentaire de mon livre Aimer l'Europe paru dans le Monde daté de ce jour sous la rubrique le livre du jour.
Etant sans liaison internet jusqu'à la fin du mois, je commenterai avec quelque retard les résultats du Conseil européen. Puissent-ils démentir un pronostic plutôt pessimiste.

14 juin 2007

Les enjeux du Conseil européen des 21 et 22 juin

Platier 14 juin 07

Relance ou approfondissement de la crise européenne ? Pas plus que la campagne présidentielle, celle des législatives n’aura éclairé nos compatriotes sur les enjeux du Conseil européen des 21 et 22 juin. L’intention de la présidence allemande est, au prix de concessions formelles, de régler l’ensemble des questions pendantes en préservant l’essentiel des réformes contenues dans le traité constitutionnel. L’abandon du terme « constitution » semble acquis ainsi que tout ce qui, selon certains pourraient donner à l’Union la stature d’un Etat. Cet argument aurait pour effet d’éliminer du futur traité toute référence symbolique, qu’il s’agisse du drapeau aux douze étoiles, de l’hymne à la joie ou de la devise « unis dans la diversité ». Daniel Cohn-Bendit, avec la gouaille qu’on lui connaît, a dénoncé le caractère ridicule et dérisoire de ces exigences, heureusement démenties par l’apparition de l’étendard européen dans la photo officielle du nouveau président de la République.
Contrairement à beaucoup de commentaires inspirés, les désaccords demeurent nombreux et pas seulement du côté de la Pologne : domaine du vote majoritaire, répartition des voix au sein du Conseil des ministres, statut de la charte des droits fondamentaux, personnalité juridique de l’Union, primauté du droit communautaire, titre et statut du ministre des Affaires étrangères, composition de la Commission, droits des parlements nationaux, détermination de critères pour les futures adhésions.

Les Britanniques refusent l’extension du vote majoritaire aux affaires de justice et de police, vivement contestée par les Tories et la presse populaire, Cette extension est la condition d’une lutte efficace contre la criminalité internationale qui répond à une attente des citoyens.
Les Polonais refusent la règle de la double majorité des voix (55% des Etats, 65% de la population pour les décisions du Conseil prises à la majorité qualifiée). A défaut du système de Nice qui leur donnait, comme aux Espagnols, un nombre de voix proche de celui des pays les plus peuplés, ils proposent une formule intermédiaire (la racine carrée des populations) qui n’est pas absurde mais qui présenterait l’inconvénient de remettre en cause l’équilibre d’ensemble.
Les Britanniques redoutent que l’octroi d’une valeur juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux ne conduise à une remise en cause des limitations imposées par Margaret Thatcher aux prérogatives des syndicats auxquelles Tony Blair s’est bien gardé de toucher. Ils invoquent aussi, avec quelques autres, le caractère symbolique de la Charte qui évoquerait un Etat, oubliant que l’ONU et le Conseil de l’Europe ont leurs propres Déclarations des droits humains fondamentaux. L’hypothèse d’une dérogation accordée au seul Royaume-Uni est envisagée. Elle n’aurait guère de portée pratique mais le symbole serait cruel pour Londres.
Le refus de la personnalité juridique de l’Union appellerait, s’il devait subsister, la création d’une Europe à deux niveaux, celui d’une union politique et celui d’une zone d’échanges. De même celui de la primauté du droit communautaire ébranlerait ce qu’il y a de plus solide dans l’acquis communautaire. Un tel recul est impensable. Renoncer à une affirmation explicite de ce principe dans le traité laisserait intacte la jurisprudence de la Cour de Justice.
Les considérations de forme et de fonds se mêlent concernant le titre et les attributions du ministre des Affaires étrangères qui, selon le traité constitutionnel, devait être rattaché à la fois au Conseil et à la Commission dont il devait devenir l’un des vice-présidents. Certains Etats vont jusqu’à contester la notion même de politique étrangère de l’Union. Cette position, si elle devait être maintenue, devrait les exclure d’une éventuelle union politique. Une fois de plus, le compromis pourrait consister à sacrifier la forme pour sauver le fond, renoncer au titre de ministre en conservant sa fonction, son double rattachement et la mise à sa disposition d’un service diplomatique.
A toutes ces difficultés s’en ajoutent deux autres soulevées par les Pays-Bas, jadis fédéralistes et convertis à un certain souverainisme depuis leur referendum. Ils exigent des critères explicites pour l’adhésion de nouveaux membres, ce qui ne devrait pas soulever de difficultés considérables, sinon de la part de leurs amis britanniques hostiles à tout ce qui pourrait entraver ou ralentir l’élargissement de l’Union. Plus discutable est leur demande d’un droit de veto des parlements nationaux sur les initiatives de la Commission.

Le Parlement européen a adopté début juin, à une très forte majorité, une résolution de sa commission constitutionnelle en faveur du maintien des avancées contenues dans le traité constitutionnel tout en acceptant des assouplissements de forme. Un avis négatif sur un traité simplifié qui s’éloignerait trop de cette exigence rendrait sa ratification problématique dans plusieurs pays, à commencer par l’Italie de Romano Prodi. L’ancien président de la Commission a récemment multiplié les mises en garde menaçant les minimalistes de cette Europe à deux niveaux qu’ils rejettent tout en la rendant inévitable.
En outre, la résolution du Parlement « reconnaît la nécessité de tenir compte de questions essentielles qui ont été soulevées pendant la période de réflexion et de clarifier d’autres questions déjà abordées dans le traité constitutionnel ». Sont notamment mentionnés à ce titre la lutte contre le changement climatique, la solidarité dans le domaine de l’énergie qui intéresse tout spécialement la Pologne, la politique de migration, la coordination des politiques dans la zone euro. Le Parlement semble souhaiter que des dispositions nouvelles soient introduites sur ces différents points. C’est la thèse dite du « traité plus » qui donnerait une impulsion aux politiques communes et compenserait en quelque sorte les reculs symboliques.

La menace d’une cassure de l’Union entre ceux qui veulent aller de l’avant et les autres est sans doute la meilleure arme dont dispose Angela Merkel pour convaincre les récalcitrants. On voit mal Tony Blair terminer sa carrière de Premier Ministre par un nouvel isolement du Royaume-Uni et les frères Kaczynski ignorer le sentiment désormais très europhile du peuple polonais. Reste la France dont le nouveau président aura contribué avec détermination à la recherche d’un accord mais au prix de l’abandon de toute perspective constituante à plus long terme. Il faut saluer l’appel lancé par le collectif « Sauvons l’Europe » en faveur d’une sauvegarde des avancées du traité constitutionnel. En définitive, le vote du 29 mai 2005 aura fait reculer les chances d’un rééquilibrage de la construction européenne vers plus de volontarisme politique et social.

03 juin 2007

Promouvoir les identités multiples

Paris 3 juin La campagne électorale a fait surgir le thème de l’identité nationale et même, de la part de Ségolène Royal, celui du drapeau. Ce discours répond à une aspiration de l’opinion à un retour aux valeurs traditionnelles du patriotisme. Il pourrait être accueilli sans réserves s’il s’inscrivait dans un effort de promotion des identités multiples. Une des causes de la panne européenne est l’absence de tout effort pour familiariser l’opinion avec cette notion qui devrait être à la base d’une éducation civique adaptée à notre temps. Il faut apprendre aux jeunes qu’ils appartiennent à plusieurs cercles de solidarité, que l’on peut être attaché à sa petite communauté et un bon citoyen de son pays, que l’on peut aimer la France et se sentir européen, que l’on peut être un bon citoyen de l’Europe et du monde.
Une grande politique de l’identité devrait être un élément essentiel de la relance européenne, un élément permettant de distinguer les partisans de l’Europe politique de ceux qui souhaitent réduire l’Union à un espace d’échanges (voir le chapitre 3 de mon livre Aimer l’Europe). Cette politique devrait comporter au moins quatre actions : le maintien et la promotion des symboles d’appartenance qu’ils soient ou non mentionnés dans le nouveau traité, la généralisation d’un enseignement civique fondé sur l’apprentissage des identités multiples, l’utilisation à cette fin de la télévision, enfin le développement de toutes les formes d’échanges de jeunes, notamment l’extension, par des incitations fortes, du service volontaire européen. Ce programme pourrait faire l’objet d’une proposition du Mouvement européen France à ses homologues des autres pays et au Mouvement européen international. Ce pourrait être l’un des thèmes majeurs de prochains Etats généraux de l’Europe, faisant suite à ceux qui se sont tenus à Lille avec un grand succès le 17 mars dernier.

30 mai 2007

Une clarification nécessaire

Paris 30 mai Les intentions du nouveau Président français en matière européenne ne sont pas claires : mini-traité, traité simplifié, traité-plus ? L’abandon annoncé de la perspective constitutionnelle ( voir le Monde d’hier ) serait grave s’il signifiait celui de la Charte des droits fondamentaux et, de fait, un ralliement au minimalisme britannique. Romano Prodi a évoqué devant le Parlement la possibilité que tous les pays n’avancent pas tous à la même vitesse. Que dirions- nous si un groupe de pays adoptaient la Charte sans nous et pour leur propre compte ? Avec quels alliés pourrions-nous renforcer la gouvernance de l’eurogroupe comme le souhaite Nicolas Sarkozy ? Une clarification s’impose.
PS Je présente mon livre "Aimer l'Europe" demain à 18h30 à la Maison de l'Europe 35, rue des Francs-Bourgeois.

27 mai 2007

Traité simplifié ou traité plus ?

27 mai La formule du traité simplifié répond au souhait du Président Sarkozy d’éviter les aléas d’un nouveau référendum. Mais elle a l’inconvénient de paraître ranger la France dans le camp des eurosceptiques et d’ignorer la nécessité de sauver ce qu’il y avait de nouveau et d’utile dans la partie III ( politique énergétique, services d’intérêt général, espace, santé, justice, police, contrôle des frontières, affaires étrangères, défense). Il faudrait, pour tenir compte de la prise de conscience des dernier mois, ajouter la réponse au défi climatique. Un « traité plus » sans prétention constitutionnelle et sans répétition inutile de dispositions anciennes sur la concurrence et la liberté de circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux devrait permettre de sortir de l’impasse. Encore faut-il éviter le piège d’une crise à propos de la Turquie.

18 mai 2007

Des signaux contradictoires

Paris 18 mai 07
En s'entourant de collaborateurs naguère eurosceptiques, tels le premier ministre ou le conseiller Guaino, et d'autres euroenthousiastes, tels MM. Kouchner et Jouyet, le président de la République lance à nos partenaires et à l'opinion des signaux contradictoires. Peut-être souhaite-t-il conserver une grande latitude d'action et d'arbitrage. Ceux qui, comme moi, sont, depuis toujours, convaincus que l'avenir de notre pays , sa faculté de continuer à exister sur la scène du monde et plus généralement la capacité des Européens d'influencer la globalisation forment des voeux pour que notre diplomatie abandonne cette schizophrénie qui lui fait souhaiter une Europe forte sans lui en consentir les moyens institutionnels et budgétaires. Puisse la nouvelle équipe et son chef comprendre que pour construire l'Europe, il faut être capable de la faire aimer, pour ce qu'elle est et aussi pour ce qu'elle pourrait être. C'est ce que le président sortant n'a pas réussi. C'est ce à quoi je tente modestement de contribuer en publiant un livre intitulé "Aimer l'Europe".

16 mai 2007

Deux visions opposées de la politique étrangère

Paris, 16 mai
Avant la constitution du premier gouvernement nommé par le nouveau président de la République Nicolas Sarkozy, des rumeurs avaient attribué le poste de ministre des Affaires étrangères soit à Bernard Kouchner, soit à Hubert Védrine, deux personnalités porteuses de deux visions très opposées de la scène internationale et de la meilleure manière d’y agir : d’une part le devoir d’ingérence au nom d’une communauté internationale gardienne des droits humains et l’aspiration à la formation de groupes supranationaux, d’autre part la réalité des rapports de puissance,le plus grand scepticisme quant à l'existence d'une communauté internationale, la récusation de toute illusion humanitaire, d’une part l’aspiration à un dépassement des souverainetés étatiques, de l’autre la volonté de protéger, voire de restaurer les Etats, seuls gardiens légitimes de l’ordre international.
Le nouveau président de la République devra choisir entre ces deux visions.

08 mai 2007

L'Europe absente de la campagne

Paris 8 mai 07
En cette veille de la fête de l'Europe, il faut se demander pourquoi l'Europe a occupé une aussi faible place dans la campagne présidentielle. Manque d'intérêt des Français ? Sans doute mais surtout désir des candidats, notamment des finalistes, de ne mécontenter ni ceux du oui, ni ceux du non.
La grande tromperie est d'avoir fait croire que l'Europe compterait pour peu de choses dans la solution de nos problèmes. Prenons trois exemples. 1. Comment relever le défi climatique sans l'Europe et sans qu'une Europe unie entraîne le monde ?
2. Comment répondre au défi du terrorisme sans une coopération beaucoup plus poussée des polices et des tribunaux ? 3. Comment moderniser nos Universités et valoriser notre recherche sans les ouvrir plus largement sur l'Europe et le monde ?
Notre nouveau Président s'est limité à des critiques envers la Banque centrale qui, en suscitant la méfiance, réduisent nos chances d'obtenir une meilleure coopération des politiques éonomiques. Il va devoir se découvrir sans nous avoir dit comment il comptait participer à la nécessaire relance.

19 avril 2007

Les Chinois de Roumanie

Paris 19 avril 07
Voilà, donc la Roumanie important des ouvrières chinoises pour son industrie textile en pénurie de main d'oeuvre ! Réjouissons-nous qu'en dépit de ses difficultés politiques ce pays connaisse une expansion rapide conséquence immédiate de son adhésion. Mais demandons-nous si une politique commune d'immigration ne devrait pas conduire à faire appel de préférence à des travailleurs venant de pays européens proches, y compris la Moldavie très pauvre et autrefois roumaine. Demandons-nous également s'il ne conviendrait pas de commencer à relever les salaires des travailleurs roumains. Pourrions-nous accepter que les nouveaux adhérents ne traduisent pas en hausses de salaires l'expansion que leur procure leur intégration dans l'Union et l'aide qu'ils en reçoivent. Il faut trouver un équilibre entre la nécessité de préserver la compétitivité des industries des nouveaux membres et la pression de concurrence qu'ils font subir à nos propres industries. Cette pression est légitime. Elle cesserait de l'être si elle reposait sur une immigration chinoise sans limites. Un exemple de plus des non-dits de la campagne qui s'achève. Pas de solution à ce type de problèmes sans une relance de l'Europe !

11 avril 2007

Les non dits de la campagne

Platier 11 avril 07

A peine installé le nouveau président devra affronter la réalité, celle d’une Europe que l’échec du traité constitutionnel conduit tout droit à ce grand espace d’échanges sans ambition politique que redoutent les Français sans avoir cessé de le favoriser. Un redressement est encore possible mais il suppose que le nouveau chef de l’Etat ait le courage de dire aux Français les vérités désagréables qui leur ont été dissimulées pendant la campagne.

En premier lieu que nos difficultés ne proviennent ni de l’euro fort, ni de la politique commerciale, ainsi qu’en témoigne la prospérité de nos voisins allemands mais aussi, espagnols, finlandais et irlandais tous membres de la zone euro.

Nos structures territoriales cancérisées par un invraisemblable et coûteux empilement de structures, notre fonction publique pléthorique au niveau des administrations centrales, des villes et des départements et de surcroît paralysée par ses statuts, notre appareil éducatif incapable d’apprendre à lire et à écrire à un cinquième d’une classe d’âge et laissant près de 200 000 jeunes sans formation et sans orientation, nos universités paupérisées et dépourvues d’une autonomie qui leur fait peur, nos services d’emploi et d’indemnisation du chômage absurdement séparés et incapables d’orienter les chômeurs vers les secteurs en pénurie de main d’œuvre, la concentration de l’activité sur la génération des 30 – 45 ans qui ne nous permet pas de tirer profit d’une exceptionnelle productivité de l’heure de travail, les contraintes bureaucratiques imposées à nos entreprises, la faiblesse et la faible représentativité de nos syndicats sont les vraies causes de nos difficultés. Ces causes ne nous étaient pas propres. Elles le sont devenues depuis que nos voisins ont accompli les réformes que nous avons différées.

Notre incapacité à nous réformer et nos performances médiocres contribuent autant et plus que notre vote du 29 mai 2005 à réduire notre crédibilité internationale. Nos prétendues aspirations à une Europe forte et protectrice ont été jusqu’à présent contredites par la combinaison de notre attachement au maintien des subsides agricoles même les plus contestables et de notre refus de tout élargissement significatif du budget commun. Nous sommes de ce fait en peine d’obtenir de nos partenaires les politiques volontaristes qui pourraient être conduites au niveau de l’Europe et accompagner utilement un effort de réforme intérieur.

04 avril 2007

Mono-identité ou identités multiples ?

Paris 4 avril 07
Le débat sur l'identité nationale me conduit à livrer aux lecteurs de ce blog qui ne les auraient pas encore lus des extraits du chapitre de mon livre "Aimer l'Europe" intitulé "Définir et promouvoir l'identité européenne".

Existe-t-il une identité européenne ?

La conscience d’un destin commun n’a pas encore donné naissance à un sentiment d’allégeance. La question de l’identité européenne n’est pas simple. S’agit-il d’une identité de culture ou de civilisation ? A supposer qu’elle existe, peut-elle servir de support à une construction politique ? Qui sommes-nous ? Qu’avons-nous en commun ?

Nous sommes des nations petites et moyennes, certaines ayant à un moment occupé le premier rang, aucune ne pouvant prétendre au salut individuel et moins encore à l’hégémonie. Nous sommes des peuples libres, mais tous, à l’exception de la Grande-Bretagne, libérés par autrui. Les pires tyrannies de l’Histoire sont nées sur notre continent. Deux catastrophes provoquées par nous-mêmes, volonté de puissance des uns, lâcheté des autres, égoïsme et aveuglement de tous, nous ont fait perdre le rang privilégié que nos talents nous avaient acquis. Nous sommes d’anciennes puissances coloniales, longtemps engoncées dans leur bonne conscience civilisatrice, surprises et humiliées par la révolte de nos anciens protégés et par les conditions, le plus souvent désastreuses, de nos départs précipités d’Afrique et d’Asie.

Nous sommes des peuples prospères dans l’ensemble et par comparaison avec bien d’autres. Nous avons su organiser sur les ruines de l’après-guerre des démocraties peu à peu stabilisées. Encouragés et aidés par le grand frère d’outre-atlantique, nous avons reconstruit ensemble nos économies et avons eu la surprenante intelligence de renforcer notre solidarité au sein d’institutions communautaires auxquelles ont successivement adhéré, dès qu’ils en ont eu la liberté, la plupart des pays du continent. Nous avons ainsi puissamment contribué à l’enracinement de la démocratie dans des pays longtemps soumis à des dictatures militaires ou au totalitarisme soviétique.

Après avoir mis le feu au monde, il appartenait aux Européens de donner l’exemple de l’apaisement, de la réconciliation, de la transformation en profondeur de leurs relations d’Etat à Etat, de peuple à peuple. C’est leur honneur de l’avoir fait, c’est leur malheur de n’avoir pas terminé leur ouvrage. Ils ne le termineront pas tant qu’ils ne seront pas parvenus à savoir en quoi ils sont différents, non certes meilleurs mais différents, voués à un destin commun et porteurs d’un message universel. Alors l’Europe pourra se doter de cette grande politique d’identité ouverte et de citoyenneté partagée qui lui fait aujourd’hui cruellement défaut.

En quoi les Européens sont-ils différents ?

Posséder une identité, c’est se distinguer. En quoi l’Europe se distingue-t-elle de l’Occident dont elle a longtemps constitué le foyer central et rayonnant ? Certainement pas par les trois sources communes à l’ensemble des Occidentaux. D’Athènes, nous vient l’harmonie, la rationalité, la science ; de Jérusalem, la subjectivité, la conscience, la morale ; de Rome, la loi et l’Etat. A cette triade chère à Valéry, on peut, avec Denis de Rougemont ajouter l’apport du christianisme qui, paradoxalement, en séparant le spirituel du temporel, fonde la laïcité et celui des Lumières à qui nous devons la tolérance religieuse et la liberté politique. On ne doit pas non plus négliger le vieux fond celte, germanique et slave, ainsi que le maillon arabe par lequel nous est parvenu l’essentiel de l’héritage grec.

En rappelant ces sources de notre civilisation dans une conférence prononcée devant l’association européenne des enseignants, Tsevan Todorov mettait en garde ses auditeurs contre la tentation de définir notre identité par écrémage, en ne retenant que ce qui nous sied. Chaque élément positif a son revers sombre. Violence et domination font partie de notre héritage, bien plus que liberté et tolérance. Cette lucidité sur notre passé, à commencer par le plus proche, est le premier trait qui nous distingue. Conscient des crimes commis en notre nom, la bonne conscience de nos devanciers nous surprend. Par compensation, il nous arrive de nous complaire dans l’auto - flagellation. La distance qui sépare des Etats-Unis une Europe prudente et sceptique, inclinant à la repentance, répugnant à l’usage de la violence et se faisant un emblème de l’abolition de la peine de mort saute aux yeux. Nous en flatter serait excessif car notre prudence ne va pas sans faiblesse et se satisfait de compter sur la puissance américaine. Mais nous devons être conscients de ce trait de notre personnalité collective pour en corriger les excès et en tirer le meilleur parti.

Une charte des droits fondamentaux a été élaborée par une première « convention » composée de représentants des Parlements nationaux et du Parlement européen présidée par un ancien président de la République fédérale d’Allemagne, Roman Herzog. Cet exercice, parfaitement réussi, contrairement à beaucoup de pronostics, a confirmé l’existence d’un accord entre les peuples de l’Union sur des valeurs communes définies en six titres : dignité, libertés, égalité, solidarité, citoyenneté, justice. Ces valeurs constituent le socle de l’identité européenne moderne. Cette Charte a été proclamée en décembre 2002, lors du sommet de Nice. Elle devait constituer le deuxième chapitre de la Constitution européenne, ce qui lui aurait donné une valeur juridique incontestable. Dès à présent, la jurisprudence de la Cour de Justice s’en inspire. Il s’agit du texte le plus ambitieux dédié à la protection des droits humains qui va bien au-delà des garanties offertes par les constitutions nationales. On peut citer l’interdiction de toutes les discriminations, le droit de manifester sa religion ou d’en changer, le droit à une bonne administration, à des tribunaux impartiaux, à la protection de la santé, de l’environnement et des consommateurs. Le modèle social européen est conforté dans plusieurs domaines auxquels les Français sont particulièrement attachés : la garantie des services d’intérêt général, la protection contre les licenciements injustifiés, le dialogue social, la lutte contre l’exclusion et la grande pauvreté.

Pluri - appartenance et diversité

Deux autres caractéristiques des Européens, la pluri - appartenance et la diversité sont,pour leur projet d’union, tout à la fois un redoutable obstacle et une chance exceptionnelle.

Chaque être humain relève d’identités multiples, celle de son sexe, de son âge, de sa profession, de sa ville, de sa région, de ses croyances, de sa nation, de sa langue, voire de ses habitudes alimentaires. La rivalité des nations européennes les a conduites à privilégier l’identité nationale sur toutes les autres. Lorsqu’elles se décidèrent à exorciser les vieux démons pour construire ensemble une « communauté », elles négligèrent l’effort nécessaire pour édifier une forte identité européenne, non pas comme abolition mais comme complément des autres. L’apprentissage de la pluri - appartenance devrait être le fondement de l’instruction civique en Europe. Ce serait le meilleur moyen de combattre les passions identitaires toujours prêtes à renaître, en particulier dans les régions qui ont été, plus que d’autres, victimes des rouleaux compresseurs et uniformisateurs nationaux.

Faute d’avoir développé ce thème populaire de la résistance à l’uniformisation, les Européens ont laissé leurs adversaires s’en emparer. Que n’avons-nous entendu sur le thème de la volonté centralisatrice et uniformisatrice des « technocrates de Bruxelles » ? En qualifiant ainsi l’autorité mise en cause, on se dispensait de s’interroger sur l’origine des décisions contestées.

Européisme et patriotisme

L’Europe doit résister à tout ce qui pourrait donner le sentiment d’une substitution. Opposer européisme et patriotisme est aussi absurde que mettre en concurrence l’affection d’un enfant pour ses parents et ses grands parents. La citoyenneté européenne ne peut se distinguer de la citoyenneté nationale dont elle est un complément suivant les termes même des traités. Aussi est-ce à tort que l’Europe est parfois accusée d’encourager les tendances sécessionnistes qui se manifestent ici et là. Les Etats ne sont pas près de s’effacer. Leur participation à la construction européenne les a plutôt renforcés, ne serait-ce qu’en les dotant d’une monnaie qui les protège contre les assauts de la spéculation que plusieurs d’entre eux, dont la France, subissaient périodiquement.

L’affirmation, au cours de la campagne des élections présidentielles de 2007 d’une identité nationale hégémonique, séparée des identités européenne et régionale, d’une mono – identité marque une dangereuse dérive. Au lieu d’encourager à l’ouverture, à la tolérance, au respect des diversités, elle risque de faire renaître un nationalisme à l’ancienne, source principale des catastrophes du XXème siècle. Les identités diverses ne se contrarient pas mais se confortent. Un bon citoyen se sent citoyen de sa commune, de sa région, de son pays, de l’Europe et du monde. Il peut privilégier telle ou telle de ces allégeances mais non ignorer les autres. Etre patriote aujourd’hui, c’est aussi être européen.

Eloge de la diversité, les frontières de l’Europe

Source incontestable de faiblesse, l’accumulation sur un aussi petit espace d’un si grand nombre de peuples différents est un trait essentiel de l’identité européenne qui doit être valorisé. Il constitue un élément essentiel de la qualité de vie des Européens qui n’ont pas besoin de franchir les océans pour se dépayser. Préserver la diversité européenne est un objectif essentiel de l’Union. Telle est la signification de la devise proposée par la Convention « Unie dans la diversité ». C’est cette diversité qui permet aux Européens de comprendre, mieux que d’autres, la complexité du monde. Encore faut-il qu’elle n’affaiblisse pas le sentiment « d’un destin désormais partagé » suivant la belle formule du traité de Rome.

Faute d’être d’avoir été précédé de l’approfondissement annoncé, le dernier élargissement de l’Union a donné à l’opinion l’impression d’un processus mal maîtrisé qui ne pouvait être ni expliqué, ni célébré. La peur de la concurrence des bas salaires de l’Est, cyniquement exploitée par les adversaires du traité constitutionnel, a été pour beaucoup dans l’échec du referendum, de même que les craintes soulevées par la candidature turque. Celle-ci mais aussi l’évolution de l’Ukraine et les aspirations européennes de nombreux pays issus de l’Union soviétique, de la Moldavie aux républiques du Caucase posent le problème des frontières ultimes de l’Union.

La fixation de ces frontières est une exigence forte de l’opinion, notamment en France. En dépit des apparences, prétendre fixer aujourd’hui les limites ultimes de l’Union serait une erreur politique majeure qui aurait beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. Les pays exclus, y compris ceux qui, comme la Russie, ne sont pas candidats, ressentiraient leur exclusion comme un affront. La seule exclusion possible est celle des pays dont aucune partie du territoire ne se situe sur le continent européen. C’est ce motif qui a conduit à écarter, sans drames, la candidature du Maroc. En l’absence de limites naturelles à l’est, les frontières de l’Union sont appelées à évoluer en fonction de ce qu’elle deviendra et de ce que deviendront ses voisins. Aucun traité, aucune constitution ne sauraient lier la volonté des générations futures. Les querelles passionnées à propos de la Turquie ont trait à une éventualité incertaine et lointaine. Elles s’expliquent par le caractère particulier de ce pays à cheval sur deux continents et deux cultures. L’ouverture de négociations d’adhésion alors que la Turquie est loin de satisfaire aux critères définis à Copenhague et ne reconnaît pas l’un des Etats membres n’est guère justifiable. En revanche, il faut reconnaître qu’une adhésion de ce pays aux principes de l’Union et à ses structures, si elle s’avérait possible, constituerait un atout de premier ordre dans la confrontation durable imposée à l’Europe par la vague islamiste qui déferle sur le monde arabo - musulman.

Un cadre de vie exceptionnel

La protection d’un cadre de vie façonné par les siècles est un autre élément capital de l’identité européenne. L’Europe peut se flatter de la contribution que ses politiques ont apportée à la sauvegarde d’un environnement menacé par l’urbanisation et l’évolution des techniques. La politique agricole, malgré ses imperfections, a contribué au maintien de la vie dans des zones qui, sans son appui, auraient été désertifiées. Il reste à accentuer l’infléchissement en direction d’un soutien à la ruralité et à moduler davantage les aides en faveur des formes d’agriculture respectueuses de l’environnement et des paysages. L’Europe a aussi contribué, au moyen de ses fonds structurels, à la rénovation des quartiers anciens de tant de villes, qui sont autant de joyaux d’un patrimoine à la fois commun et divers. Les statistiques du produit national situent l’Europe bien en arrière des Etats-Unis. Il n’en est pas de même pour ce qui est du « développement humain » qui fait l’objet de comparaisons internationales prenant en compte une large batterie d’indices parmi lesquels le niveau d’enseignement, la qualité et l’accessibilité des services de santé, la mortalité post-natale et la longévité. La qualité de la vie en Europe devrait être un motif de fierté pour les Européens, même si bien des progrès sont encore à faire.

Un destin commun, un message universel

L’élément fondamental d’identité commune que créait la guerre froide a disparu. Ce fut un succès de l’Europe obtenu sans autre effort que celui de ses accomplissements pacifiques. La comparaison des succès de l’intégration libre à l’Ouest avec l’échec de l’intégration forcée à l’Est fut, de l’aveu même de Gorbatchev, un facteur de découragement pour la direction soviétique. Nous verrons au chapitre VIII comment une Europe qui aurait réussi son unité pourrait contribuer à un ordre mondial qui en soit un. Retenons pour le moment cette formule du président de la Commission, José Durâo Barroso : nous construisons un empire non impérial. Cet empire qui ne s’étend pas par la force ou l’influence hégémonique, mais par la libre adhésion, pourrait, à plus juste titre que les Etats-Unis, revendiquer « une destinée manifeste », celle de répandre la démocratie et l’état de droit par la persuasion et l’exemple plutôt que par la violence.

L’intervention militaire américaine en Irak a fait apparaître des divisions qui interdisent à l’Union d’exercer sur la scène internationale une influence en rapport avec sa dimension. Cependant les opinions publiques ont réagi de manière plus convergente que les gouvernements. Les difficultés rencontrées par les Etats-Unis, le contraste entre l’efficacité de leurs armes et le fiasco de leur administration a facilité le rapprochement des positions. Mais, en l’absence de mécanismes appropriés, ceux-là même qu’avait prévus le projet de constitution, il est vain d’espérer une unité de vue immédiate sur les diverses crises qui secouent la planète. Un effort patient et prolongé de rapprochement sera nécessaire. Un président de l’Union déchargé de fonctions nationales, assisté d’un ministre des Affaires étrangères y contribuerait. L’Union exerce déjà un soft power qui est loin d’être négligeable. Il se manifeste à l’Organisation Mondiale du Commerce, où elle s’exprime d’une seule voix, dans le domaine de l’écologie, grâce au protocole de Kyoto, dans les Balkans où elle pacifie peu à peu la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine et le Kosovo, en Afrique où elle défend les droits humains et les élections libres, tout en luttant contre la corruption. Aller plus loin suppose un accord explicite sur ce qu’est l’Union et sur son avenir.

Le débat nécessaire sur les finalités de l’Union

Le débat sur les finalités de l’Union ne devrait pas se limiter aux gouvernements. Les Parlements nationaux et européen devraient y être associés, par exemple au sein d’une nouvelle convention dont les débats seraient aussi largement diffusés que possible. Loin de se limiter aux institutions, ces débats devraient porter sur la répartition des compétences entre l’Union et les Etats, de manière à expliciter, mieux que ne l’avait fait le traité constitutionnel, la marge d’action qui doit demeurer à ceux-ci, en particulier pour tout ce qui touche à la protection sociale et à l’emploi. Il devrait porter également sur les mesures à prendre pour faire pénétrer le concept d’appartenance à l’Europe dans la conscience des citoyens. Trois catégories de mesures pourraient être prévues à cette fin : institutionnelles, éducatives, symboliques.

Mettre les institutions au service de l’identité

Une première question se pose, souvent débattue dans les colloques, plus rarement entre responsables gouvernementaux : quelle est la finalité institutionnelle du projet européen, un Etat fédéral, une fédération d’Etats et de peuples, une association d’Etats souverains ? On comprend que les gouvernements ne souhaitent pas poser une question aussi embarrassante, car propre à leur valoir des querelles entre eux mais aussi dans chacun de leurs pays et souvent au sein même des majorités politiques dont ils émanent. La Convention chargée de réfléchir à l’avenir de l’Union s’en était elle-même gardée. Sans doute avait-elle jugé qu’il n’était pas indispensable de qualifier l’aboutissement d’un processus qui, pour certains, était loin d’être arrivé à son terme, alors que d’autres estimaient qu’il avait déjà dépassé le stade acceptable ? Il n’en est pas moins de plus en plus difficile d’obtenir le soutien des peuples pour un voyage dont ils ignorent la destination. Jacques Delors a cru pouvoir résoudre le problème par le recours à ce que certains ont qualifié d’oxymore, figure de rhétorique exprimant une contradiction. La fédération d’Etats - nations de Delors rappellerait l’obscure clarté qui tombe des étoiles. Plusieurs des Etats membres actuels, le Royaume-Uni, l’Espagne, la Belgique sont composés de plusieurs nations. L’appellation « fédération d’Etats et de citoyens » répond mieux à la nature présente et à venir d’une Union qui n’a pas de précédent historique et donc pas de modèle

La réponse décisive qu’appellent les objections des souverainistes est autre. Une Union fédérale d’Etats et de citoyens ne sera pas la transposition des systèmes fédéraux existants. Les gouvernements des Etats membres continueront à prendre une part active à la définition et à la mise en œuvre de la politique de l’Union. Mais ils devront accepter, pour des raisons de démocratie et d’efficacité, de siéger sous l’autorité d’un président de l’Union, de prendre l’essentiel des décisions à travers la recherche d’un consensus, mais, si besoin est, à la majorité et d’en confier la mise en œuvre à des ministres de l’Union. De même, les parlements nationaux participeront au contrôle de la subsidiarité et devront participer, avec le Parlement européen, à la définition de la politique générale de l’Union.

La formation des futurs citoyens européens

L’école de Jules Ferry a donné des citoyens à la République. La formation des futurs citoyens européens doit commencer à l’école. L’essentiel n’est pas d’ennuyer les enfants avec l’ingrate description des institutions mais de leur transmettre les valeurs universelles que l’Europe s’efforce de promouvoir chez elle, autour d’elle et dans le monde. Il ne s’agit pas, comme pourraient le craindre certains enseignants, de développer une propagande en faveur de la politique européenne, mais de transmettre un héritage. Il s’agit aussi de favoriser l’esprit d’ouverture à la différence, de lutter contre tous les penchants identitaires, source d’intolérance et d’exclusion. Le champ des possibilités offertes par la coopération des systèmes nationaux d’enseignement est immense, comme l’a montré l’excellent petit ouvrage de Christine de Mazières et Babette Nieder. [1] L’apprentissage de deux langues au-delà de la langue maternelle devrait être un objectif commun pour tous les enfants d’Europe. Les échanges d’enseignants devraient être la règle à tous les niveaux, de façon que l’enseignement des langues et celui d’autres matières puisse être confié à des enseignants d’un autre pays. L’un des mérites des deux auteures est d’avoir montré comment tout cela pouvait être réalisé au meilleur coût. Enfin, la reconnaissance de pôles d’excellence universitaires devrait se traduire par l’internationalisation des meilleures Universités et grandes écoles et leur participation à l’effort commun de recherche dont la nécessité est unanimement reconnue. Sans remettre en cause la compétence des Etats et, dans certains pays, de collectivités autonomes, l’Union pourrait développer une politique de soutien aux Universités non labellisées pôles d’excellence, afin de leur permettre de s’améliorer et de s’internationaliser.

L’influence de plus en plus dominante de la télévision ne peut être ignorée de qui se préoccupe de la formation à la citoyenneté. L’ouverture d’un espace public de débat démocratique passe par la télévision qui se devrait d’organiser plus souvent et à des heures moins tardives la confrontation des idées entre responsables des différents pays. L’audience obtenue par la diffusion de la séance des questions au gouvernement par la chaîne publique FR III montre qu’une fraction de téléspectateurs pourrait être intéressée par la diffusion de débats entre personnalités européennes sur des sujets d’actualité. De telles émissions pourraient servir de support à un enseignement civique modernisé.

Les programmes d’échanges de jeunes dont le plus connu est Erasmus ont recueilli un vif succès. Leur extension s’impose, mais l’expérience a montré qu’ils ne suffisent pas à dissiper l’euroscepticisme de nombreux jeunes. C’est pourquoi le départ des bénéficiaires devrait être précédé d’une initiation aux valeurs européennes fondamentales.

L’Europe et les symboles

Il est temps de faire du 9 mai, anniversaire de la déclaration fondatrice de Robert Schuman, un jour férié commun à tous les Etats membres au cours duquel seraient exaltés les sentiments de solidarité entre peuples européens, de fierté pour le travail de réconciliation accompli et de soutien aux valeurs universelles qui sont celles de l’Europe. Quand Valéry Giscard d’Estaing avait souhaité remplacer le 8 mai, anniversaire de la victoire de 1945, par le 9, il s’était heurté à une vive résistance. Aussi serait-il judicieux de laisser les Etats qui le souhaiteraient maintenir la célébration de la victoire, quitte à associer celle-ci, qui fut une libération, à la fête de l’Europe, que celle-ci soit célébrée le 8 ou le 9. Sans le 8, le 9 n’était pas possible. Célébrer conjointement la libération de l’Europe et le début de son union serait hautement symbolique. Une compétition pourrait être organisée entre les Etats membres sur le thème de la célébration la mieux réussie, à la fois la plus populaire et la plus illustrative des valeurs européennes.

Une occasion d’identifier l’Europe à travers ses héros a été manquée lorsque les responsables politiques ont laissé aux experts le soin de concevoir les nouveaux billets libellés en euros. Pour s’épargner la difficulté du choix, les experts ont décidé de recourir à des images abstraites de ponts ou de portes censés évoquer les liens entre les Européens et leur ouverture à eux-mêmes et aux autres. Les eurosceptiques ont aussitôt vu dans ce choix l’illustration du caractère technocratique de l’Union. Qu’attend le Parlement européen pour dresser la liste des grandes personnalités, hommes ou femmes d’Etat, écrivains, artistes appelés à figurer, à tour de rôle, sur les nouveaux billets qui devront un jour ou l’autre remplacer ceux d’aujourd’hui ?

La meilleure manière de développer un sentiment d’allégeance dans les populations serait la création de services communs appelés à manifester la solidarité européenne. La création du fonds destiné à faire face aux conséquences sociales des délocalisations contribuerait à montrer à quoi peut servir l’Europe, à la condition d’être suffisamment doté et que ses interventions soient rapides, efficaces et visibles. Le projet de force d’intervention destinée à faire face aux catastrophes en Europe et hors d’Europe aurait à la fois le mérite de rendre les interventions plus efficaces et de symboliser l’Europe. Une force maritime commune destinée à la prévention des marées noires et autres catastrophes maritimes, une agence unifiée de gestion de l’espace aérien, un service intégré de surveillance des frontières, une agence d’alerte sanitaire sont quelques exemples de services communs qui devraient permettre un meilleur rapport coût - efficacité et rendre plus visible l’Union.

Une identité se construit

L’identité d’un groupe humain, a fortiori celle d’un groupe d’Etats et de citoyens, n’est pas une donnée intangible. Elle doit disposer, au départ, de bases communes préexistantes. Pour l’Union européenne, sa contribution à la paix et à la démocratie constitue ce socle, mais un socle à partir duquel il faut construire. La grande erreur des élites européennes a été de croire que ce qu’elles ressentaient comme une évidence l’était aussi ou le deviendrait peu à peu pour la masse des citoyens. La crise actuelle est en grande partie la conséquence de l’absence d’une grande politique de l’identité européenne.
[1] L’Europe par l’école ESKA 2006.